DEMATAGE dans le Raz Blanchard

DEMATAGE dans le Raz Blanchard, SNSM, , Les Glénans, Trotter , Van de Stadt, Fortune de mer

Il y a une dizaine de jours, j’ai rencontré Gaël, un jeune navigateur solitaire d’un peu plus de 20 ans qui arrivait de Paimpol puis St Cast après deux journées de prés par force 5 à 6 sur un Trotter, voilier de 1963, dessiné par Van de Stadt. Ce voilier de moins de 6m se caractérise par un franc bord d’à peine 30 cm !

Doté d’une solide formation à l’école de voile des Glénan, il navigue sans GPS et sans pilote automatique.

Voici ce qu’il m’écrit : « J'ai quitté Granville mercredi dernier, direction Diélette. Le trajet s'est effectué sans encombre, au bon plein presque tout le temps, le bateau a mieux marché que je ne m'y attendais, et j'ai même du attendre pour pouvoir entrer dans le port de Diélette !

Jeudi je suis parti de Diélette pour passer le raz Blanchard et aller à Cherbourg. Juste après avoir passé le Nez de Jobourg, je jette un oeil sur mon foc pour le régler correctement et là je vois mon étai, mou, qui n'est plus attaché au pont ! Je file à l'avant pour comprendre ce qu'il se passe, et vois au passage ma barre de flèche au vent qui est en train de s'arracher du mat sous l'effort !

Le temps que j'arrive en pied de mat pour aller chercher ma drisse de spi (je voulais en faire un étai provisoire), je vois ma drisse de foc filer doucement puis de plus en plus vite (le spinlock la rendait...) et mon mat tomber sur l'arrière du bateau. C'est une vision très désagréable, tu peux me croire ! Surtout dans un passage aussi agité que celui-là !

Il m'a bien fallu 45 minutes pour sécuriser mon gréement sur le pont (heureusement le pied de mât ne s'est pas arraché), j'y ai perdu mon pataras, ma GV, mon vit de mulet, mes cadènes de bas-haubans et une partie de l'engoujure du mât. La SNSM m'a pris en remorque quand j'ai eu fini de tout lier et m'a amené à Cherbourg. C'était il y a 6 jours.

Après mon arrivée au port, j'ai essayé de comprendre ce qui s'était passé, et je pense que les faits se sont déroulés ainsi : comme j'avais pas mal tourné au moteur, dans des belles vagues, les vibrations et les chocs ont du permettre aux écrous qui assuraient le ridoir de l'étai de se desserrer, légèrement, juste assez pour que la cage du ridoir gagne assez de liberté pour se dévisser et finalement s'échapper. Ensuite, l'étai ne retenant plus le mat vers l'avant, ce sont la drisse de foc et la barre de flèche au vent qui ont du travailler énormément. La barre de flèche a cédé la première, renvoyant toute la tension sur le foc et sa drisse, qui a filé.

J'ai eu énormément de chance pour plusieurs raisons : déjà, le mât est resté attaché au pont bien qu'il ait travaillé pendant au moins 20 minutes en latéral (avec les vagues, le mât se baladait d'un bord sur l'autre à chaque fois, et n'est pas vraiment prévu pour...). Si le pied de mat avait cédé, il aurait probablement arraché la moitié du roof et j'aurais certainement du larguer tout mon gréement à l'eau en coupant le haubanage pour éviter de mettre en danger l'intégrité de la coque dans cette mer bien formée. Ensuite, le mât est passé près de moi mais ne m'est pas tombé dessus, et je suis donc heureusement indemne ! J'aurais pu être bien blessé si j'avais été à une autre place sur le bateau.

Et enfin, il faisait beau : le vent n'était pas excessif, et comme il y avait du soleil le pont était sec et adhérait bien (s'il avait glissé, il m'aurait sans doute fallu 2 ou 3 fois plus de temps pour sécuriser l'ensemble) et au soleil les malheurs sont plus facilement supportables...

Tout en commençant à travailler, j'ai appelé le CROSS Jobourg qui m'a mis en relation successivement avec deux voiliers (dont j'ai décliné l'assistance, au vu des conditions ils ne pouvaient pas faire grand-chose pour moi et mon mât se baladait toujours librement lorsqu'ils sont arrivés, donc je n'aurais pas pu me faire remorquer) puis, plus tard, avec le canot tout temps de la SNSM de Goury-La Hague, qui s'est mis en communication avec moi du moment où ils ont pris la mer jusqu'à l'amarrage au ponton.

Ils ont commencé par tourner autour du bateau pour vérifier que l'eau était dégagée de tout bout/câblage, puis m'ont lancé une remorque (une touline, un peu de bout à tirer pour arriver jusqu'à un oeil de chaine à fixer au point le plus solide du bateau, pour moi le taquet avant). Ils m'ont ensuite sorti de la zone délicate et m'ont tiré jusqu'au port de Chantereyne à Cherbourg. Là-bas, après l'amarrage, on a fait les papiers pour le règlement des frais d'intervention (environ 1400 € pour 4 heures).

Le remorquage s'est incroyablement bien passé, ils me demandaient régulièrement si la vitesse n'était pas trop élevée, si la barre ne devenait pas trop dure etc... Entre le moment où j'ai récupéré leur remorque et l'amarrage au ponton, je n'ai globalement rien eu à faire que de rester dans leur sillage.

Depuis je me bats avec l'assurance pour qu'ils assument leur rôle, et je devrais voir un expert cette semaine pour, j'espère, récupérer un nouveau gréement.

Avec l'assurance c'est une bataille qui s'apparente un peu à tirer des bords carrés contre le courant avec un Optimist à la dérive relevée dans un chenal de Bréhat... mais j'ai bien fait avancer le schmilblik aujourd'hui et je devrais m'en sortir ! Je quitte Cherbourg vendredi pour quelques semaines.

Tu peux bien entendu publier mon récit sur le site Hisse et Oh, sans aucun souci ! Je m'y suis d'ailleurs inscrit la semaine dernière, on y trouve de tout mais en cherchant un peu c'est vraiment une mine de bonnes informations !"

L'équipage
16 juin 2011
16 juin 201116 juin 2011

si l'analyse de GAEL est exacte(et si j'ai bien lu) la faute à une cage de ridoir non assuréé...soit une grossière erreur "de débutant"....sans accabler notre (téméraire) navigateur...Par ex à marseille semaine dernière il y avait la Générali solo(figaros)on pouvait remarqur(c'est pas un scoop!!)que TOUS les ridoirs étaient assurés avec de fins bouts "ligaturant"les ridoirs pour interdire toute rotaton-dévissage....

16 juin 2011

Je pense que sur tous nos bateaux il y a un schmilblick que l'on a pas fait comme il faut et qui peut un jour nous peter à la figure. C'est pour ça que les coureurs on des préparateur et que malgré tout ça fini par casser.
en tout cas je trouve ce récit à froid très instructif, sa maitrise de l'utilisation des secours montre que l'on peut gérer une telle situation avec bon sens.
Quand à la bataille avec les assurances, ça devient malheureusement maintenant systématique quelque soit le problème...
En tout cas merci pour ce récit

yann

16 juin 2011

Un ridoir à l'étai est un risque inutile. Un montage avec plaques à trou est plus pratique et beaucoup plus sûr.

Après, oui, il est bon d'assurer les ridoirs des haubans, déja en serrant le contre écrou, et en mettant une goupille qui, au minimum, évitera qu'il sorte après s'être dévissé, et au mieux, empéchera carrement qu'il tourne.

Bravo en tout cas pour le sang froid en solo.

Si j'ai bien compris, la drisse de foc a glissé dans son coinceur ? Sans aucune critique, cela permet de penser qu'il vallait peut être mieux assurer la drisse de foc avant d'aller la doubler avec celle de spi.

Facile à commenter devant son écran, mais ce type de récit est toujours intéressant justement pour se préparer à le vivre à son tour.

Jacques

16 juin 201116 juin 2011

Il m'a aussi été conseillé par mon monteur lorsque j'ai remplacé mon étai et mes galhaubans en ce début de saison de supprimer le ridoir que j'avais sur l'étai par un un ridoir à latte ("plaque à trous" pour jacques).
En pratique ça ne change pas grand chose, pour ne pas dire strictement rien, aux possibilités de réglages en tension du gréement.

Merci pour ce témoignage.

16 juin 201116 juin 2020

Bonsoir. Au risque de me tromper, voici quelques photos prisent tantôt du bateau en question. Rien à redire sur la gestion de la situation, il a fait ce qu'il fallait et la prochaine fois, il assurera ses ridoirs.

Pour info, j'ai navigué dans ses eaux(proche de Port-Bail) avec un bateau encore plus petit(5,20m)avec lequel j'ai fait le tour sans rien casser.

16 juin 2011

Super témoignage et en ce qui concerne le ridoir non assuré, c'est une faute que j'ai commise un jour et un de mes haubans s'est envolé dans le ciel ! Bien sûr, depuis ils sont tous sous bonne garde, mais je fais plein d'autres bêtises.
Assurément, le skipper de ce petit voilier n'était pas un débutant et passer le Raz de Blanchard avec une aussi petite barcasse, il faut oser. Vive ces récits qui nous font avancer et vérifier que nos ridoirs sont bien assurés.

Phare de la pointe de Vénus Tahiti

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