Comment la mer fait des dessins ?

Au registre des questions cons (le ciel est bleu, les oiseaux volent toussa ...), il y en a une qui m'a toujours intriguée :
pourquoi la surface de la fait des grandes tâches fixes, et surtout, comment ?
A noter que ca ne se voit pas tellement en étant au ras de l'eau, puisque l'on voit alors essentiellement de vagues et d'autres vagues derrières

Ca fait généralement des tâches plus claires, comme une peinture pas bien mélangée, et ca fait des motifs entre quelques mètres et plusieurs km.

Bien sûr, il y a des raisons évidentes :

Déjà, on a le sillage d'un bateau, qui fait une trace bien particulière, mais ca, je devine que c'est simplement les remous de l'eau après le passage du bateau...
Sauf que bon, parfois, ca dure quand même bien plus longtemps que d'habitude, dans une mer pas spécialement calme à la base.

On a aussi la vie marine (genre les algues), qui peuvent se mettent à relâcher un peu tous en même temps tout un tas de trucs, faisant ainsi une grande trace.

On peut avoir les risées, mais ca, ben, ca se voit bien qu'elles avancent vite, et on arrive à voir que ca fait des petites rides.

Et on a aussi (surtout si on est sur une montagne au dessus de la mer) le reflet des nuages qui va faire des tâches.
Evidemment, ca peut dépendre aussi des fonds, mais dans ce cas là, ben, c'est fixe.

Donc des fois, sans raison, la mer fait de grandes tâches, aux formes variées, qui changent lentement d'heure en heure ...
Là, par exemple, je viens encore d'observer une sorte de sillage de bateau (genre quelques mètres de large), un grand s avec une surface plus claire/plus calme que le reste qui part du large et qui va vers le rivage.. Les vagues passent dessus sans le déformer, ni le déplacer...

Bref, j'aimerais bien comprendre comment la mer peut changer de couleur, comme ca, localement.

Vous allez dire, je me pose vraiment des questions cons aussi.

L'équipage
22 sept. 2023
22 sept. 2023

Non, non excellente question, je pense que tu n'es pas le seul à te la poser, je rejoins le groupe en tout cas ;-)
En revanche, je crains les réponses... En tout cas si quelqu'un a des infos étayées, je serais intéressé!

22 sept. 2023

En effet, lourde tâche que d'interpréter les taches...🤔

22 sept. 202322 sept. 2023

Un Rorschach géant en quelque sorte... 😜

Sinon différentes densités de l'eau ?
Surface touchée par des masses d'air en mouvement de différentes directions ou vitesses ?
Pollutions (gras...) ?
Présence de plancton ?

22 sept. 2023

En beaucoup moins poétique, si on monte plus haut que le bateau, plus haut que la côte, plus haut que la montagne, plus haut qu'un avion, on arrive aux satellites. Les yeux humains sont sensibles à une bande de fréquences de quelques centaines de nanomètres, les couleurs, les capteurs des satellites travaillent sur un domaine beaucoup plus étendu, soit en passif (comme les yeux) que en actif.
En passif ils peuvent travailler comme les yeux humains (images génériques "couleur"), ou bien se concentrer sur certaines fréquences -par exemple réléver la couleur de la chlorophylle, ou de certains sédiments, pollutions, etc. Imaginez de regarder dans un stade et voir uniquement les supporters avec un maillot d'une certaine couleur, les autres places vides.

Les produits plus récents sont encore plus malins avec l'atmosphère: les reponses obtenues par les capteurs sur les différentes fréquences sont combinées pour mettre en évidence un aspect particulier, on obtient des produits/images par exemple sur le type d'air, sur la convection, sur la présence de cendres/poussières, etc etc.
En actif ce sont eux qui envoient une onde electromagnetique et enregistrent ce qui se passe quand cette onde touche la surface de l'eau; cas classique pour nous en bateau le diffusiomètres (?) scatteromètres: le satellite envoie un faisceau sur la surface de l'océan, cette onde passe à travers nuages et compagnie et est reflétée et diffusée par la surface de l'eau, le satellite mesure en quelle mesure l'onde revient vers lui. Une surface plate (calme de vent) en renvoie beaucoup, une surface très très irrégulière (surface soumise à des vents très forts) beaucoup moins. Des algoritmes calculent non seulement la vitesse mais la direction aussi du vent. Les résultats sont bluffant (sauf quand une grosse pluie vient casser les pieds).
pj ce que voient les yeux "thermiques" d'un satellite (Eumetsat) température de l'eau avant et après un épisode de mistral/tramontane.
Deuxième image les yeux du satellite accordés pour voir la granularité de la surface de l'eau

23 sept. 2023

Faudrait pas oublier les nuages qui aussi s'amusent à créer multitudes de formes pour qu'on les regarde les coquins 🤔

23 sept. 2023

Les courants dessinent aussi la surface de l’eau, c’est étonnant de voir au fil de la journée que l’on traverse des courants au large de directions multiples, dans les zones sans vent il peut y avoir des zones de mini clapoti à côté de zone lisse comme du mercure, ou des rassemblements de petits débris entre deux zones.

25 sept. 2023

Un courant qui frappe une élévation du fond crée une composante ascendante, comme le vent le long d'une falaise. En arrivant en surface, cela se voit.
Il peux aussi y avoir des résurgence sous marine, mais c'est plutôt près de la côte.
...

27 sept. 2023

Toujours avec un oeil moins poétique, un autre jeu sur la surface de l'eau.
Quand il y a du vent, l'action sur la surface de l'eau -avant de former des vagues- cause des circulations circulaires/spiroidales plus ou moins superficielles orientées en gros le long de l'axe du vent, cfr circulation de Langmuir. Ces circulations sont alternées en sens (horaire/antihoraire), sur la surface se forment des lignes de convergence et de divergence: la mousse ou les petits débris sont poussés à se concentrer le long de cette lignes, espacées de quelques dizaines de mètres. Cela est dû uniquement au vent. cfr pj.
À l'autre extrème, quand il y a peu de vent mais deux courants, mieux, deux masses d'eau différentes avec vitesses différentes qui se rencontrent, en particulier si la densité est différente (genre estuaires), la succession est assez remarquable: il y a d'abord le changement de couleur (l'interface entre les deux est encore en profondeur), après une certaine distance l'accumulation de débris sur la surface, puis peu après de la petite mousse qui marque le passage de l'une à l'autre au niveau de la surface. Les distances entre les lignes bien sûr varient selon les conditions.

28 sept. 2023

Bonjour à toutes et tous.
Merci Roberto pour tes explications scientifiques qui sont un très intéressantes et ouvrent l’esprit et nos yeux à d’autres « visions » des réalités !
Merci. Bonne journée. Denis et Democrite

28 sept. 2023

Il va falloir lever les yeux des écrans pour repérer et admirer 🤭

28 sept. 2023

Oui, merci pour les cellules de Langmuir.
Au moyen-âge, ces "chenaux" à la surface de l'eau ont été interprétés en Bretagne comme étant une rémanence des "chemins des saints", ces chemins qu'auraient parcourus sur l'eau vers l'Armorique les moines évangélisateurs venus d'Irlande, du Pays de Galles ou de Cornouailles : Guirec, Quay, Pol, Ildut, Brendan, Patrick, Divy, Gonlay, Gildas, Goustan, Samson, Malo, Brieuc, Tugdual, Corentin, Patern etc., tous appelés saints par la suite.

28 sept. 2023

Merci Roberto pour ce super retour !
C'est vachement instructif, et effectivement, ça s'apparente bien à ce que l'on peut retrouver.

Je pense que l'on peut aussi conjuguer cela avec les reliefs de côte qui perturbent les vents, avec des masses d'air qui collisionnent à des position plus ou moins fixe pour une direction et force de vent donné, ce qui entraîne des motifs différents d'un jour sur l'autre.

Enfin, j'ai aussi l'impression que le vent génère de légers courants de surfaces en fonction du trait de côte, et ces courants se percutent et viennent renforcer cette dynamique en profondeur, avec des lignes de collision nettement visibles.

En tout cas, c'est assez magnifique d'observer ce ballet, et plus encore quand on perçoit la complexité qui s'y cache.

Phare du monde

  • 4.5 (40)

2022