Vague à l'âme de l'hivernage

Le soleil manifeste l'envie d'aller se coucher et, à travers les nuages annonciateurs de temps moins cléments, éclaire Fort Boyard comme un décor de cinéma. La pointe de Coudepont nous offre sa plage désormais déserte, dans une lumière rosée. Nous rasons la cardinale du Fort Hennet, afin de mieux pouvoir admirer ce bel ensemble.

La pêche n'a pas été à la hauteur de nos attentes, mais nous ne revenons pas bredouilles, et dans tous les cas, la journée fut idyllique. Nous aurions bien fait une dernière passe, mais il se fait tard et il faut rentrer. Nous visons la cardinale des Palles, puis direction les bouées vertes du chenal.

Sablière, Fontenelles, Mouclière, autant de noms qui sonnent à mes oreilles comme de la grande musique. Autant de souvenirs de cet été où j'ai appris à te connaître. Comprenant que nous sommes un peu en retard, le vent se met de la partie, et tu t'animes. Nous sommes maintenant au bon plein. 6, 7, puis 8 noeuds, je sais bien que mon speedo est pour le moins optimiste, mais peu importe, je sais que tu es heureux, et moi, je suis comme un gosse.

Les bouées se succèdent, nous voici sur la Charente, vent debout. Tranquillement, je mets le moteur en route et je passe la barre à mon équipier. J'affale, puis je ferle ta grand-voile avec plus de soin que d'habitude. Tu dois le sentir, parce que tu me gratifies de quelques embardées de protestation, comme pour me dire : "mais que fais-tu ? Ce n'est quand même pas la dernière fois ?". La dernière fois, non, mais pour cette année, si, et nous le savons tous les deux.

Lorsque nous arrivons au corps mort, la nuit est tombée. Nous vidons les poissons, les mettons au frais et dînons en nous remémorant cette belle journée. Puis mon équipier, pris d'un incommensurable coup de barre, me souhaite bonne nuit et va se coucher. Moi, je n'ai pas sommeil. Je m'adosse à la filière et je te regarde, je t'écoute. Nous ne nous connaissons pas depuis longtemps, mais nous commençons à nous apprivoiser mutuellement. J'apprends à comprendre tes humeurs, et toi, de ton côté, tu apprends à composer avec mes nombreuses imperfections.

Je savoure ces derniers moments de complicité avec l'eau pour dénominateur commun. La semaine prochaine, tout comme moi, tu seras terrien. Tu sais bien qu'il n'y avait pas d'autre solution, mais console-toi. Ces moments passés à terre ne seront pas vains. Je prendrai son de toi, et ensemble, nous préparerons le renouveau du printemps prochain.

C'est le début d'une belle histoire, et pourtant, ce soir, je suis un peu triste.

A bientôt mon ami.

L'équipage
28 sept. 2012
28 sept. 2012

J'ai aimé...

28 sept. 2012

le titre m a interpellé, le texte est est délicieux.

29 sept. 2012

Merci, c'est sympa.

Je mesure la chance d'être à coté de lui et de sortir quand je veux, même tout l'hiver: l'avantage de nos pertuis.

29 sept. 2012

C'est bien joliment exprimé et permets-moi de souligner le "soin" que tu as mis à l'écrire...

"Je prendrai son de toi," : lapsus de musicien ?
;-)

29 sept. 2012

Moi aussi, bien aimé

29 sept. 2012

Idem
Nos femmes sont jalouses!!!

29 sept. 2012

@MN31 : lapsus de musicien, sans aucun doute... ;-)

Aux autres : merci de m'avoir lu, je suis heureux de partager ces moments avec vous.

29 sept. 2012

Comme CE, c'est en lisant ces qques lignes que l'on se rend compte de la chance d’être à 20 min de son canot...

très beau texte !!
:pouce:

29 sept. 2012

Bravo!
:pouce:

29 sept. 2012

Bon, j'ai fait une vérification "officielle". Le joli fort s'écrit "Enet" sur la carte. Damned, j'ai honte, mais c'est bon la honte :-)

29 sept. 2012

Tu as trouvé les mots qu'il me manque, pour résumé également ma sortie d'hier. Pas les mêmes lieux, mais les mêmes sensations.

Mais tous les ans c'est pareil avant l'hivernage .
(Prévu vers le 15 octobre )
J'ai la chance (aujourd'hui) d'avoir une webcam au port.
Mais que de plaisir lors de la mise à l'eau en mars/ avril.
Il n'y a que les passionnés pour resentir cela.
A+
François

29 sept. 201229 sept. 2012

Très beau.

la dernière nav, la veille du l'hivernage est toujours accompagnée chez moi d'un pincement un coeur.

le convoyage au moteur jusqu'au chantier, après avoir vidé le bateau au ponton (plus pratique) est un moment sans charme.

les deux jours suivants passés, seul, à prodiguer au bateau les meilleurs soins pour un hivernage de 10 mois sans visite, est un grand moment de complicité.

Le dernier regard au bateau, depuis la voiture en quittant le chantier, est un moment désagréable.

29 sept. 2012

10 mois sans visite !!!
je pourrais pas !!!!!

:oups: :-( :-(

29 sept. 2012

Merci pour ce partage.

:pouce:

29 sept. 2012

Bon courage !

Je n'aurais jamais pu laisser mon bateau seul si longtemps : même quand je vivais à Paris je venais naviguer à La Rochelle au moins un week-end sur deux ou trois (suivant la météo)... sinon c'était la déprime assurée.

29 sept. 2012

c'est là qu'on voit que la dépression saisonnière du plaisancier est directement liée à l'hivernage de sa danseuse préférée ...
et dire que j'en suis au n°3 de la lignée des "blues" ...
:heu:

29 sept. 2012

Vous me déprimez...un Tranxene et au lit.....

29 sept. 2012

ouais ... mais un ptit rhum avant ! ..... :alavotre:

30 sept. 2012

mais non, mais non, j'ai parlé de moment "désagréable", pas de dépression nerveuse !

certes je quitte le bateau 10 mois, mais c'est pour retrouver une autre maîtresse. Celle à trois coques qui se languit de me voir revenir à son bord pour 10 mois !

30 sept. 2012

C'est très beau, je mesure mieux la chance que j'ai de ne pas hiverner!

01 oct. 2012

Aujourd'hui, j'ai démonté mon vieux jeu de voile, le "top", qui m'a tant baladé en régate et pour les vidéos...Elles seront transformées en objet qui n'auront plus rien à voir avec la mer!

Une fin de vie, de belle vie.

01 oct. 2012

perso moi qui suis a la veille de mon départ ( pas long 15j env) petit programme côtier vers l’Espagne ponctuer de chasse sous marine, notre 1er vrais voyage ensemble.... Nos premières vacances, j’espère ne rien avoir oublier, promis je vous ferais un rapport tous les soirs, histoire de vous redonnez un peu le sourire ... En tout cas superbe prose ....

Les Eclaireurs près d'Ushuaia, Argentine.

Phare du monde

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