Vos histoires de mer 14

'idée est de raconter une histoire, étonnante, surprenante, drôle, qui vous est arrivée en navigation ou en escale.
Les règles : Gentillesse, tolérance, bon enfant, retour sur les histoires racontées.
Pas de nouvelle histoire avant la fin de la discussion sur l'histoire en cours.
Prenez votre temps, on risque d'être plus longtemps que prévu derrière nos écrans.
Suite de : www.hisse-et-oh.com[...]-mer-13

L'équipage
22 août 2023
22 août 202322 août 2023

En prévision des difficultés de navigation et un peu pour se rassurer les uns les autres, nous avions décidé de passer le Bab el mandeb en flottille.

Nous étions, à Djibouti en ce printemps 1980 plusieurs bateaux qui se préparaient à la dure remontée de la mer Rouge et qui envisagions d’arriver en Europe pour l’été.

Il y avait Altair, une lourde coque à arrière norvégien, en bordé classique doublé cuivre de 13m de long et 25 tonnes de déplacement, Maamari, avec Paul et Sandra, qui avaient construit un superbe voilier à la coque effilée comme un Swan, en ferro ciment. Peer Tangvald sur son Artémis, construit en Guyane en bois, aux voiles en coton et sans moteur, un petit tri américain d’une dizaine de mètres, Bolon Divita et nous, solide C&N de 15m.

Le Bab el Mandeb (« la porte des lamentations ») est l’entrée sud de la mer rouge. En saison d’alizé, le vent remonte vers l’ouest tout le golfe d’Aden et ne trouve comme seule échappatoire de s’engouffrer dans ce passage étroit entre les Djebel du Yemen et les montagnes d’Erythrée.
Le vent, dans ce passage et sur une distance de l’ordre de 200 miles souffle en furie une bonne partie de l’année. 55, 60 kn y sont habituels, mais dans un air sec, un ciel bleu de désert, l’impression n’est pas de mauvais temps, plutôt d’une chevauchée fantastique dans des couleurs féeriques de bleus et blancs intenses.
La mer n’a pas vraiment le temps de devenir énorme, mais les rouleaux font quand même quelques mètres de haut rendant la navigation inconfortable pour les gros voiliers à parfois dangereuse pour les petites unités.

Nous avions quitté Djibouti en soirée pour se présenter à l’aube dans le passage le plus étroit, à la fois le plus venté et le plus délicat avec le vent qui vire de l’Est au Sud en quelques miles et ou les flottes de cargos les uns descendant de Suez, les autres arrivant d’Asie se croisent.
Nous avions adapté notre voilure pour rester en vue les uns des autres, avec des vacations et des appels VHF régulier.
Plus on s’approchait du détroit, plus le vent montait. Partis de Dibouti tout dessus, on ne portait plus que le Foc II au matin (C’était avant le focs à enrouleurs GPS et toute électronique), mais marchions quand même fort.
Nous ne voyions déjà plus l’Artémis, qui, sans électricité ne portait pas de feux et l’avait pas de VHF.
Bolon Divita, avec son feu à éclat d’avion dans la mature avait été assez rapidement lâché aussi pendant les quelques heures après le départ ou nous avions été au près.
Nous naviguions donc à 3, proches les uns les autres avec Altaïr et Maamari.
Pourtant, avec la faible visi des embruns qui volaient, les vagues qui enflaient, on le perdit de vue assez vite et chacun continua sa route vers Port Soudan.
Peu à peu le vent baissait, le calme arrivait et vers la latitude de Suakin, une centaine de miles avant Port Soudan, la brise de nord se présenta. Celle qu’on devrait garder jusqu’à suez et batailler des semaines contre ce vent violent à coté duquel les Mistral, Bora ou Meltem de méditerranée paraissent de doux zéphirs.

Donc, voiles bordées, gités tantôt à tribord, tantôt à bâbord, nous continuâmes notre route.
Afin de se recaler et d’avoir une position précise, on tirait notre bord tribord amure jusqu’au petit ilôt de Masamrit, seul de la région doté d’un petit phare. On le vit au coucher du soleil et virions à la nuit tombante, après avoir reconnu cet amer.
Peu après le virement de bord, dans la nuit déjà noire, je crus apercevoir sur l’ilot un flash, alors que le phare ne marchait pas, mais j’avais la tête tournée vers l’avant et dans la nuit on s’éloignait vers la haute mer, laissant les hauts fonds derrière nous.

Quelques jours après on arrivait à Port Soudan. Maamari arrivait en même temps que nous et les autres suivirent dans les heures et jours qui suivirent.

Sauf Bolon Divita.

Les semaines qui suivirent n’apportèrent aucunes nouvelles et chaque jour nous étions plus inquiets. On tentait de se rassurer en se disant que ces jeunes américains avaient peut être changé d’avis, eu une avarie et étaient retournés sur Djibouti.
On vivait bien, tout le groupe de voileux, à port Soudan. La ville était agréable, les souks bien fournis et très bon marché, les laveurs de linge aux fers à repasser à charbon entretenaient les draps et vêtements et les capitaines de cargos français ou kiwis ne manquaient jamais de nous inviter à leur table.

Nous étions là depuis une bonne quinzaine de jours que nous vîmes arriver par la terre nos deux petits américains.

Le flash, sur Masamrit, c’était eux. Ils avaient eu la même idée que nous, mais en retard de quelques miles, ils avaient viré trop tard et avaient perdu leur bateau sur cet îlot corallien, certes doté d’un phare, mais hors service sans doute depuis longtemps.
Ils étaient restés à robinsoner pendant près de 10 jours, survivant sur les réserves du bateau avant d’être récupérés par des pêcheur de Suakin, qui les avaient ramené à terre et déposé rapidement pour retourner piller à loisirs les restes de l’épave.

22 août 2023

J'ai le vague souvenir d avoir Lu dans "Loisirs Nautiques" en 86 ou 87, sous forme de feuilleton, les récits de voyage d'un bateau en bois déplacement lourd qui avait été doublé cuivre au cours de son périple. Ce bateau était mené par un couple. Était ce cet Altaïr ?

22 août 2023

Sais pas. J'avais raconté une petite anecdote sur eux dans l'opus 13, en Novembre 2022 www.hisse-et-oh.com[...]-mer-13

24 août 2023
28 nov. 2023

La belle époque. Il faut 2 "l" à milles.

28 nov. 2023

Ouï , d'une fois à l'autre, j'oublie lequel est en français, lequel est en anglais. Je vais me faire un moyen mnémotechnique du genre on est 2 fois meilleurs que les anglais, donc 2 L😉

28 nov. 2023
24 août 2023

Moi aussi j'ai quelques anecdoctes, là, de mouillage, ça date de 2021.
Trés instructif, je suis ravi, j'ai rarement rencontré une personne si sympa, un gars qui pense pour mon bien être et peut-être même ma santé, belle et heureuse rencontre....
Un petit retour en arrière, un matin je vois passer sur mon arrière un cata sans personne à bord se dirigeant vers le large et ensuite 2 heures plutard qui repasse, direction les ponton et visiblement personne à bord, le tout se passant à Baie Mahault en Guadeloupe.
Du coup je monte dans mon annexe équipé d'un moteur 2 cv que l'on m'a prêté, (on m'a piqué mon annexe il y a un mois), je dévie donc le cata pour éviter la collision avec les pontons et réussi à l'écarter suffisamment pour éviter qu'il aille sur les autres bateaux. Je monte à son bord et je réussis à mouiller pour sécuriser le bateau et les autres et c'est là que j'ai lancé le 1er post sur facebook.
Une personne réussit à prévenir le capitaine de " CAPTAIN JACK " mais rien ne se passe pendant 5 jours le bateau reste à sa place.
Nous sommes 3 bateaux au mouillage et je suis le seul cata. Un matin je me lève et je ne vois plus le bateau, il a été mis au ponton, il y a de la lumière à bord souvent tard le soir.
Une semaine se passe et le weekend je vois le propriétaire à bord s'activant à diverses choses, mais pas un regard, pas un bonjour. Quelques fois dans la journée il passe à fond avec son 15cv enduro en nous secouant copieusement enfin surtout les monos toujours sans saluer personne, mauvaise vue j'imagine.
Le lendemain je vois qu'il monte à bord d'un bateau vide au mouillage sur bouée genre Beneteau 10-11m retire son mouillage, le déplace, lui met sa pioche et vient prendre sa place en se mettant sur sa bouée...
Le lendemain il finit par passer me voir et me demande si c'est moi qui lui ai mouillé son bateau, il était midi. Je lui confirme en lui expliquant qu'on est que 3 bateaux à mouiller ici avec des personnes à leurs bords.... et là il me dit merci en me précisant qu'il n'avait pas le temps mais qu'il reviendrait me payer l'apéro.
Je l'ai revu la semaine suivante, toujours à fond avec son enduro trois quatre fois dans la journée, allant bouger un bateau de plongeur pour refaire son plein d'eau au ponton et repartir à sa nouvelle bouée, revenir au ponton y laissant une annexe rigide en plein milieu du ponton, super sympa pour ramener tes courses quand tu as une chariote tout en laissant le bateau de plongeur décalé emmerdant les annexes qui vont au ponton ainsi que tous les usagers.
Une semaine plus tard, un gars en annexe vient me voir et me demande si j'ai vu qui avait déplacé son mono de sa bouée.
Je lui explique que c'est le gars du cata qui était parti à la dérive.
Je lui paie un rhum et un autreeee et finalement, avant de partir il m'explique que c'est lui qui avait contacté le propriétaire et que son boulot était capitaine des affaires Maritimes de Pointe à pitre et qu'il allait prendre rendez vous pour qu'il s'explique d'avoir changé son canote de sa bouée perso....
Une anecdote rigolote qui confirme que partout il y a des exemples qui confirment toutes les régles de courtoisie élémentaire.
Si demain ça devait se reproduire, je le referai en espérant être déjà tombé sur le pire en pensant que ce n'est pas l'exemple qui confirme la règle, mais que ce genre de comportement doit être signalé pour qu'à chaque fois que vous croiserez " Cap'tain Jack " une petite pensée de bienveillance vous monte à la tête.... ce ne sera pas lui qui contribua à une éventuelle cirrhose me concernant.

27 nov. 2023

Salut à tous.

Revenu d'entre les morts, je déterre un fil qui a sombré en même temps que moi.
J'ai tenté pour mon retour, il y a une semaine, d'ouvrir un fil humoristique sur l'histoire d'un vocabulaire maritime sans équivoque. Ca n'a pas été compris...

Je reviens donc plus discrètement ici, avec un tutoriel commandé par un magazine anglais, qui est mon seul écrit depuis un an. C'est bien sûr une histoire de mer, même si elle se passe au ras du bord, avec de l'eau jusqu'aux chevilles.

Tutoriel de construction de petits bateaux en matériaux de récupération.

Quel enfant parmi nous n’a pas mis un jour à l’eau un bout de bois, de polystyrène ou toute autre matière, pourvue qu’elle flotte, et ne s’est raconté l’aventure du navire traçant son mince sillage dans le vent du port, du bassin ou même de la flaque d’eau de laquelle il l’a lancé ?

L’important dans cette aventure, n’est pas tant la performance technique du navire, que l’histoire que nous-nous sommes tous racontée en regardant notre petit bateau s’éloigner du bord. Ce que l’adulte qui regarde la scène attendri ou incrédule compte en mètres et en heures de loisir trop vite grignotées par la vie active, le constructeur en herbe l’imagine en océans et en vies entières de vagabondages.

En grandissant, la technique de construction s’améliore et vient alors l’idée de la performance et du défi. Celui de traverser l’étang, la marina ou pourquoi pas la Manche. Même les régates avec les petits camarades de fortune rencontrés sur le port ou au bord de l’étang sont possibles !

Adultes, nous sommes tous encore un peu de grands enfants, ainsi certains d’entre-nous ont-ils gardé la passion de la construction de ces petits bateaux faits de matériaux de récupération sur les grèves, les quais et même dans les poubelles. Voici donc un tutoriel succinct, qui permettra à tous, petits et grands, de lancer des voiliers avec un plaisir indicible et à chaque fois renouvelé, car l’exercice est simple et le succès facilement assuré !

La règle du jeu fondamentale :
Tout achat d’un matériau neuf dans un magasin de bricolage est absolument interdit. Seuls les matériaux de récupération doivent être utilisés, et toutes les chutes de découpes dans les matériaux synthétiques trouvés doivent être jetées dans les bacs à ordures adaptées au recyclage. Dans cet esprit de simplicité et d’écologie, on évitera si possible l’usage de colle et de peinture, qui n’apportent rien aux performances des voiliers construits. Il faut rester simple, d’autant que les pièces assemblées par emboitage tiennent très bien et deviennent interchangeables, ce qui permet toutes sortes de transformations et améliorations sur une coque existante.

La coque :
Le meilleur matériau est le polystyrène ou tout autre mousse dure expansée à cellules fermées. On trouve facilement ces matériaux usagés aux abords des quais et malheureusement sur les plages, où il convient de toute façon de les ramasser si cela est possible. A défaut, on en trouve dans le bac à ordure du port. La longueur idéale se situe entre 20 et 40 centimètres environ. Plus petit, le bateau en polystyrène n’a pas la capacité à parcourir plus de quelques mètres. Plus gros, c’est bien sûr possible, mais la construction de technique. Nous aborderons plus loin le cas de ces voiliers aux qualités hauturières. Si les morceaux collectés sont trop petits, les poissonneries disposent de caisses à poisson usagées qui font d’excellents supports, aussi bien pour les monocoques que les catamarans. On trouve parfois près des pêcheries, de vieux congélateurs cassés dont la mousse d’isolation est également un très bon matériau. Il est possible également d’utiliser les os de sèches, qui font d’excellents petits monocoques, sans avoir besoin d’y faire la moindre découpe.

On pense naturellement au bois flotté, totalement écologique, mais sauf exception ce matériau est trop dur pour pouvoir être découpé sans outillage adapté. Les enfants sont mal à l’aise et risquent de se blesser, faute d’avoir un établi équipé d’un étau et de serre-joints à bord. Il faut garder à l’esprit que pour un enfant, plus la réalisation sera rapide, plus il sera motivé à la conduire à son terme. Ainsi, il est tout à fait possible de former convenablement une coque d’un pied de longueur en quelques minutes dans du polystyrène.

Le lieu de construction pourra être le cockpit, ou mieux le ponton ou le quai, auxquels cas on prendra soin de disposer un morceau de bâche par terre pour récupérer les chutes de découpes. L’usage de gants pour les jeunes constructeurs est toujours recommandé, comme pour leur parents. Les gants de voile, de jardinage ou de manutention font l’affaire.

Le formage de la coque se fait sans efforts dans les matériaux expansés avec un couteau de cuisine. Pour que les enfants ne se blessent pas avec un couteau trop affuté, il est préférable de leur fournir une lame de scie à métaux manuelle. Cela coupe très bien le polystyrène et on ne se blesse pas avec.

La forme de la coque :
Tout est permis, et les expérimentations de toutes sortes de carènes sont les bienvenues. Ainsi progressent les connaissances du constructeur. Cependant, ces petites constructions ont tendances à se coucher dans les risées. Il faut donc tailler la coque assez large, pour que la stabilité de forme soit suffisante. Un Rapport longueur / largeur de 3 pour 1 est un standard habituel qui fonctionne bien. La coque pourra être plus large, sans dépasser 2/1.

La finition de surface de la coque se fait à la main avec un papier de verre à sec, grain 80 ou 120 environ. On prendra soin de réaliser cette étape salissante et polluante au dessus de la bâche ou d’une poubelle, et pas sur la plage !

La quille :
L’idéal est de trouver un galet plat sur la grève. A chaque balade, même si aucune construction n’est programmée, vous serez donc attentifs à récupérer des pierres de tailles et de formes adaptées, suffisamment plates. Vous pourrez les stocker à bord, comme le font mes enfants !

Les ardoises, bien que légères, font d’excellents profils de quille. Comme leur masse est souvent trop faible pour constituer le lest, il est très intéressant de concevoir un biquille, avec deux morceaux d’ardoise. Les membres de la WOA, qui sont de férus spécialistes des biquilles, savent que ça marche très bien ! Le bateau a une forte stabilité de route, meilleure que celle d’un mono quille. La quille au vent des constructions légères sort fréquemment de l’eau, ainsi les performances en sont encore améliorées. On veillera donc lors de la conception d’un biquille avec des quilles en ardoise, à tailler une coque assez large et à donner suffisamment d’angle aux quilles par rapport à la verticale. Les performances peuvent alors êtres étonnantes !

Le safran :
C’est le plus simple. Petit morceau d’ardoise, galet plat et fin, même un manche en bois de glace fait l’affaire !

Où placer la quille et le safran ?
L’emplacement idéal pour la quille se situe en plein milieu de la longueur immergée de la carène. La longueur de la carène devant et derrière la quille doit donc être à peu près équivalente. On assure ainsi, aussi bien l’équilibre statique sur l’eau que dynamique à la voile.

Le safran est fixe et devra être placé aussi précisément que possible dans l’axe de la carène, le plus en arrière possible.

Les deux appendices tiennent parfaitement par un simple emboitement dans le polystyrène. Le couteau de cuisine et la scie sont aussi bien adaptés l’un que l’autre à faire les découpes. Il faut faire un décaissement dont la largeur est des 3/4 de celles de la quille et du safran à emboiter. La profondeur d’encastrement de la quille doit être importante. Au moins la moitié d’épaisseur de la coque. Certains de mes bateaux ont durés des années, sans que la quille ne sorte de son logement.

Le gréement :
La technique la plus simple, élégante par l’efficacité aérodynamique qu’elle apporte et amusante à réaliser consiste à couper une bouteille d’eau cylindrique dans le sens de la hauteur à l’aide d’une paire de ciseaux. On garde un tiers du périmètre de la bouteille (donc de sa surface) et bien entendu, le goulot à vis. Le reste de la bouteille, le fond et le bouchon seront jetés dans une poubelle adaptée. Une fois la découpe faite, on aplatit à la main le tiers conservé car la courbure initiale du cylindre est trop importante. Il faut diminuer l’épaisseur du profil, sans pour autant écraser la bouteille auquel cas, on casse la courbure proche du goulot et la rigidité de l’ensemble n’est plus assurée. La voile risque de plier sous l’action du vent.

Ensuite, on place le goulot de la bouteille sur le pont, juste en avant du bord d’attaque de la quille. Il est impératif que le goulot soit légèrement devant la quille et pas au dessus de celle-ci sinon, le bateau lofe irrémédiablement. Cela donne en général un gréement situé au tiers avant de la partie immergée de la coque. Il ne faut pas placer le gréement au milieu, c’est trop reculé. On trace au crayon le cercle du goulot sur le pont, puis on fait une découpe bien cylindrique, aussi profonde que la hauteur du pas de vis du goulot et légèrement plus étroite. On emboite enfin le goulot en le vissant délicatement plutôt qu’en l’enfonçant tout droit. Ainsi, le polystyrène prend la forme du pas de vis et la bouteille tient très bien en place sans qu’aucun haubanage ni colle ne soit nécessaire.

Réglage de la voile :
Rien de plus simple. Il suffit de faire tourner le goulot de la bouteille, de sorte de mettre le profil sous le vent en réglant le bord d’attaque de ce dernier face au vent apparent souhaité. Vous constaterez après quelques tâtonnements qu’on peut effectuer différents réglages, pour que le voilier remonte au vent, ou au contraire navigue vent de travers. Si le profil est placé perpendiculairement au bateau, il peut naviguer au vent arrière. On notera que les biquilles ont un net avantage dans cet exercice délicat.

Pour virer de bord, il suffit de récupérer le bateau et faire faire un demi-tour au profil. Vous constaterez que si le bateau vire seul, le vent qui prend alors au dos de la bouteille plie celle-ci, qui ne devient plus propulsive et le bateau s’arrête en dérapant doucement, comme un voilier mi en panne au vent de travers !

Réduction de voilure par vent fort :
C’est un jeu d’enfant, encore une fois. Il suffit de découper une deuxième bouteille au goulot identique à la première, et de ne conserver que la moitié de la hauteur, voir le tiers par vent très fort.
Nous n’avons utilisé que quelques bouteilles pendant presque 10 ans. Elles ont servi à un tas de constructions différentes, ce qui a évité le gaspillage.

Gréements en bois :
On trouve parfois de petites boites en bois à la poubelle. Le couvercle et le fond, font d’excellentes voiles. Dans ce cas, on emplante le profil dans le pont à l’aide d’une demi pince à linge en bois, collée à l’Araldite rapide, dont nous avons tous un tube à bord. La pince à linge doit être collée avec le biseau vers le haut, de sorte que sa partie la plus épaisse soit emplantée dans le pont. Elle doit être collée au tiers avant du profil. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit verticale par rapport au bord d’attaque du profil. On peut donner de la quête à la voile, comme sur les aériens rectangulaires de nos régulateurs d’allures (voir la photo du catamaran et du biquille, posés sur un muret).

Sloop ou ketch ?
Les deux fonctionnent très bien, y compris les gréements de goélettes !
Dans ce cas, on avance un peu le gréement avant et on place celui de l’arrière un peu en arrière du milieu de la coque. Les deux gréements doivent être suffisamment écartés l’un de l’autre. Il est alors très plaisant de régler les deux voiles indépendamment et d’observer comment le bateau se comporte.

Pour les tous petits voiliers d'une longueur d'excédant pas 20 centimètres (comme ceux réalisés avec un os de sèche), une ou plusieurs plumes d'oiseaux font merveille. Les grosses rondelles en acier font de bonnes quilles sur ce genre de construction et permettent de se passer de safran.

Cas particulier des multicoques :
Mes enfants et moi-même avons essuyé beaucoup d’échecs avec les constructions comportant des bras de liaisons. Cela devient trop complexe techniquement et ne rentre plus dans le cadre de cet article, mais devient du modélisme. Les catamarans naviguent formidablement bien, pourvu qu’ils soient constitués d’une seule et même pièce et ne comportent pas de bras de liaisons.

Il faut récupérer une boite rectangulaire en polystyrène. Une boite de glaces, ou encore mieux, une boite à poisson, telles que celles qu’utilisent les poissonneries pour transporter les fruits de mer dans la glace. Elles font 1,5 pieds de long environ, ce qui est une taille idéale pour un petit multicoque.

Le fond de la boite constitue la plateforme du catamaran. Les deux bords verticaux les plus longs font les coques. Le reste de la boite retourne à la poubelle. Vous avez toute liberté pour donner de jolies formes aux trois éléments. Il y a juste deux règles à respecter :
Le volume des coques doit être important à l’avant et à l’arrière sinon, le catamaran enfourne.
La plateforme doit rester de bonne surface pour ne pas casser une fois qu’on y a percé le ou les trous pour y visser les goulots de bouteilles.

Les deux plans antidérive sont idéalement constitués de triangles découpés au cutter ou aux ciseaux dans le flanc d’un bidon d’huile en plastique de section rectangulaire. Il faut tailler une longue fente longitudinale dans le fond des deux coques du catamaran, avec un cutter ou un couteau bien affuté, pour ensuite enfiler les ailerons de forme triangulaire assez allongée. Les ailerons doivent faire environ le tiers de la longueur de la coque, et ne pas être trop profonds.

Le réglage de l’équilibre sous voiles se passe complètement de l’aide de safrans. Il suffit d’avancer ou de reculer les ailerons dans les fentes.

Enfin, il faut lester le catamaran un caillou ficelé au milieu de la plateforme sinon, la moindre risée le fera chavirer. On peut obtenir des performances stupéfiantes si les coques sont bien poncées et lisses. Les catamarans en photos ont navigué régulièrement sur une seule coque avec des pointes de vitesse dépassant largement 5 nœuds.

Et si on veut traverser la Manche ?
C’est ce qu’à fait admirablement le «Où Qui Va ? ». Dans ce cas, le bateau doit avoir une longueur d’au moins 50 cm sinon, il se désintègrera très vite en mer. De la même façon, le lest doit être lourd d’au moins 1 kilogramme. Un morceau de ciment plat et épais d’un pouce, est bien adapté. Une quille longue classique du type des celles qui équipent les voiliers du GGR est préférable à une quille profonde et étroite.
La coque peut être taillée dans un vieux flotteur de casier. Ca se trouve facilement. Le rapport longueur/largeur de 1/3 sera respecté, et on aura intérêt à concevoir le voilier large et porteur à l’arrière, pour qu’il fonctionne bien au portant dans les vagues.

Le bateau est alors trop gros pour que le gréement soit constitué de bouteilles. Il doit pouvoir chavirer de nombreuses fois sans que le gréement ne se désintègre. Par ailleurs, pour que la construction puisse naviguer vent de travers ou au largue sans remonter au vent, il ne faut pas y mettre de grand voile, mais seulement un foc assez petit, de type foc Solent ou même trinquette. On réalise un mat solide dans une branche trouvée sur la grève. Le mat est profondément emplanté au tiers arrière de la coque ou en son milieu et fait environ la même longueur que celle-ci. Il est nécessaire de mettre des haubans. La tresse de pêche à la traîne au maquereau convient bien à cet usage. Pour fixer les haubans à la coque, on perce celle-ci de part en part avec une mèche à métaux de petit diamètre, qu’on enfonce à la main jusqu’à ce quelle ressorte sous la coque. Pour chaque hauban on perce deux trous, distants de quelques centimètres l’un de l’autre. On passe chaque hauban par un trou et on le fait ressortir par l’autre, exactement comme la fixation d’un bouton sur une chemise, en faisant quelques tours avec la ficelle. Cela assure une fixation d’une solidité à toute épreuve.

Le foc peut être taillé dans une chute de toile à spi ou un vieux morceau de sac à voile, par exemple. Il ne doit pas avoir de recouvrement. On fixe une seule écoute solide, qui passe par un des trous du hauban sous le vent. En fonction des prévisions météorologiques lors du lancement, on place l’écoute à tribord ou à bâbord.

Avec un tel gréement, le bateau ne peut naviguer que sur un seul bord, au vent de travers ou au largue. Si la construction est suffisamment solide, elle a de bonnes chances de traverser la Manche en été. L’architecte constructeur prendra alors soin de baptiser son navire et d’y inscrire ses coordonnées au marqueur indélébile. Il faut le faire en gros caractères sur le pont plutôt que sur la coque, car elle se recouvre rapidement d’algues.

L’histoire peut alors se poursuivre par une belle rencontre avec les marins qui auront récupéré le navire de l’autre côté de la Manche, comme ce fût le cas du « Où Qui Va ? » !
(histoire racontée dans un des opus précédents)

01 jan. 202401 jan. 2024

Hier soir, comme c’était le 31 décembre (😉) on est allé diner avec l’autre bateau mouillé dans la baie dans le petit resto devant lequel on est.

Un jeune couple d’autrichiens d’une quarantaine d’années sur un 50’ acier de 40 tonnes, coque construite par un chantier au Canada, et finition amateur.

C’est leur nouveau bateau, car le précédent a coulé.

Ils avaient acheté à Tahiti un Sun Magic 41 expertisé, dans un état moyen, mais très peu cher et ont décidé, plutôt que de le remettre en état à Papeete ou la vie est très onéreuse, de partir tranquillement en Nouvelle Zélande pour y faire les travaux nécessaires.
Tout se passait bien pendant les premières navigations quoi que des problèmes apparaissaient peu à peu.
Ils retrouvaient régulièrement les fonds plein d’eau, les pompes ne marchaient pas toujours, le gréement, bien que tendu, se retrouvait très souple à la moindre survente, la barre était souvent dure et le moteur anémique.
Navigant portant dans l’alizé, tous ces symptômes, bien qu’inquiétants, ne les alarmaient pas outre mesure. Ils notaient et imaginaient les travaux qu’ils feraient lors de leur arrivée à Aukland.
C’est en repartant de Souvarov, atoll situé entre les Iles sous le vent et les Samoa que les problèmes s’accrurent.
Prévenant les secours de NZ, ceux ci leur envoyèrent une aide sous la forme d’un voilier assistant qui les aida à effectuer quelques réparations d’urgence (retendre les haubans, fourniture d’une pompe …), mais à 200 miles des Samoa, dans 25 kn d’alizé, la coque commença à se délaminer et à s’ouvrir entre 2 passe coque des WC avant.
A chaque vague, le mat bougeant, la tension des haubans ouvrait de plus en plus la coque et les pompe n’étalaient plus.
Ils décidèrent alors de rappeler les secours NZ qui leur envoya un chalutier Samoan sur lequel ils embarquèrent en abandonnant leur bateau.

Ils n’étaient néanmoins pas sauvés, car ces pêcheurs en début de marée se firent tirer l’oreille pour aller les débarquer à Pago Pago. Ils auraient préféré les garder à bord 15 jours, le temps de remplir les cales de thon plutôt que de perdre 3 jours de pêche. Il fallu l’intervention « musclée » de la marine Néo Zélandaise, promettant une plainte auprès des tribunaux maritimes si le capitaine pêcheur ne les débarquait pas promptement dans le premier port abordable.

Ils repartent donc aujourd’hui (s’ils se réveillent après les mojitos et vin blancs d’hier soir), vers l’ile Coco et la Polynésie sur leur coffre fort en acier.

www.sail-world.com[...]/112929

03 jan. 2024

...et on ne peut même pas dire que la mer a martirisé ce bateau lors de ses derniers jours, pourtant à sa place, si on me mettait sur le dos un bateau avec un nom de "tour operator" (Sun magic) je pense que ça réveillerait en moi des instincts sadiques :)

03 jan. 202403 jan. 2024

Quand la fatigue s’en mêle.

Pour maintenir à flot ce fil fantastique, je déterre un vieux souvenir.

A la fin des années 90, mon copain Bruno alors âgé comme moi d’une trentaine d’années, achète un Champagne. C’est une unité construite à quelques exemplaires par le chantier APS-Aubin, sur les plans de Philippe Harlé.

Elégant dériveur lesté de grand voyage de 10 mètres (c'était un gros bateau à l'époque de sa sortie), il est construit en polyester comme son proche petit frère, le Chablis. Tous les Champagne à ma connaissance sont terminés par des amateurs, plus ou moins bien, mais pas celui trouvé par Bruno, aménagé par un charpentier du chantier Aubin. Le bateau en bon état est situé dans le bassin d’Arcachon, et je suis convoqué pour l’aide au convoyage en plein hiver, jusqu’à Saint Malo.

Bruno est commandant de bord long courrier chez Air France, et également coureur au large. Ses connaissances météo et sa résistance à l’adversité en mer dépassent largement les miennes, même si j’ai quelques années d’expérience de la navigation en solitaire de la Bretagne vers l’Angleterre et l’Irlande sur mon voilier de 9 mètres.

Le troisième larron embarqué c’est Yves, dont je fais la connaissance dans la voiture qui nous conduit à Arcachon pour aller chercher le bateau. Il n’est autre que l’instructeur pilote de Bruno, et ancien pilote d’hélicoptère dans la marine nationale. Il a 30 ans d’expérience du pilotage, y compris sur des champs d’opérations en situation de guerre et en Arctique où il a fait plusieurs campagnes en tant que pilote d’hélicoptère.

Autant dire que le bizut à bord en matière de navigation et de météo, c’est moi. Alors, absolument pas inquiet pour la nav et la gestion de la météo hivernale, je n’interfère pas, même si la hiérarchie a la délicatesse de me demander mon avis. Je suis beaucoup plus utile et montre mes qualités de bricoleur sur le bateau que nous avons découvert la veille du départ d’Arcachon. Le mauvais temps de ce mois de février à sans doute aidé aux incidents. Ainsi quelques cliquets de winchs bloquent et surtout, le moteur Nanni de 21 chevaux et son circuit électrique tombent en rade.

Ca, je sais faire car en bon marin solitaire fauché que je suis, j’ai déjà sorti mon vieux Renault Couach RC 12 sur les pontons de ports d’escale pour en refaire dans le désordre, l’inverseur, le déculassage, le grattage du circuit de refroidissement bouché, le rodage de soupape neuves, le remontage, le calage, et surtout la résurrection du vieil alternateur Valeo perclus de faux contacts.

Le convoyage froid et pluvieux ne me laisse aujourd’hui que peu de souvenirs, jusqu’à l’arrivée de nuit dans le Chenal à terre de l’île de Batz. Nous sommes fatigués tous les trois. Le départ de Camaret tôt le matin, et les quelques 60 milles parcourus par mer formée sans qu’aucun de nous trois n’aille dormir, ont sans doute largement entamé nos facultés d’analyse.

Nous entrons dans le chenal par l’Ouest, et doublons la tourelle Nord « Basse plate », en suivant l’alignement lumineux au 106 vrai. Yves est la barre, qu’il ne veut pas lâcher depuis des heures car il est malade, mais il s’endort. Je suis à l’intérieur à la cuisine et je prépare un plat de pâtes, car nous serons au mouillage d’ici 10 minutes.

Bruno, à la navigation dans le cockpit aux cotés d’Yves, m’appelle :
« Vincent, j’aperçois aux jumelles une perche Sud non éclairée devant. Il faut passer de quel côté ? ».

Il convient bien entendu d’en passer au Sud et comme nous faisons route vers l’Est, il faut la laisser sur notre bâbord. Evident, n’est ce pas ?

Et bien à 21 heures, de nuit et en plein relâchement, cette question naïve de la part d’un navigateur expérimenté ne m’étonne pas, parce que je n’en ai pas la réponse… Je rejoins Bruno dans le cockpit.

Je me rappelle parfaitement de cet échange où nous tentons méthodiquement mais laborieusement de raisonner ensemble. Nous voilà comme deux grands débutants au premier cours des Glénan à réciter les règles de base.

Au bout de 30 secondes sans doute, ça y est, nous avons la réponse. Il faut passer au Nord de la perche Sud en la laissant sur Tribord. Satisfaction ! Nous sommes des pros !

Le piquet approche, et quelques chose semble réveiller Yves, qui sommeille davantage qu’il ne barre.
« Les garçons, c’est normal l’écume blanche devant l’étrave ? »
Je saisi les jumelles et je gueule : « Putain, des cailloux, vas à droite ! ».
C'est l'évidence même. A gauche, on s'encastre dans la falaise.

Yves tire à fond sur la barre, Bruno reste inerte. Moi, je ne comprends plus rien. Nous laissons le piquet à quelques mètres sur bâbord en serrant les fesses, incapables de raisonner. A ce moment, je suis persuadé que le bateau va monter sur les pavés, puisque nous étions d’accord pour laisser ce foutu piquet à tribord.

Ca passe et une encablure plus loin, alors que je monte sur le pont pour affaler la grand voile du pied de mât, Bruno me lance interrogateur : « Vincent, c’est pas plutôt du côté Sud, qu’il faut passer une cardinale Sud ? »

Le lendemain, on en a ri tous les trois mais moi, j'avais honte. Bruno et Yves, très formés aux procédures d’urgence en cas de pépin à bord d’un avion, me racontent alors que nous étions pris dans un engrenage fatal qui peut mener à la perte d’un avion ou d’un navire, pourtant persuadés d’avoir bien raisonné.

Les trois photos à bord du Champage ont été prises lors de ce convoyage, le jour même de l'incident.

03 jan. 2024

Oui. je pense que la fatigue explique beaucoup de comportements inadaptés. Mouillage au vent d'une côte, erreur de nav... Néanmoins, la pratique supplée quand même cela. Je ne suis pas sur que cette erreur t'arrive maintenant même très fatigué.

04 jan. 202404 jan. 2024

Effectivement ED, ça ne s'est jamais reproduit.
Ma honte le lendemain vient du fait que naviguant depuis tout petit, c'est une connerie qui me semblait inconcevable, le cul bien calé sur la banquette du carré, mon café du matin à la main.
Et pourtant.
Un truc que ma rappelé Bruno : la routine.
Le truc qu'on fait tous les jours et cette impression d'être en sécurité parce que c'est habituel, qu'on arrive ou qu'on est à deux pas de la maison.
On fait tous les jours des choses potentiellement dangereuses, sans plus prêter attention aux règles et aux dangers de façon consciente et réfléchie.
Les accidents de la route arrivent souvent proche de la maison, là où on se sent le plus en sécurité (pareil en moto, et je sais de quoi je parle !)

Alors quand en plus, s'y ajoutent la fatigue, le froid, la nuit, la lassitude, la faim, on peut faire des conneries fatales.

Je lis parfois sur le site des débuts de polémiques sur ce qu'il aurait fallu faire dans telle ou telle situation d'urgence à bord. Beaucoup rappellent très justement que derrière son ordinateur, c'est pas la même chose que lorsque qu'on est en situation difficile, avec plusieurs paramètres défavorables à une bonne prise de décision.

05 jan. 2024

L'erreur vient peut-être également, en plus de la fatigue, de passer de BZH sud à BZH nord, où la terre et le large ne sont plus du même côté! (ça me le fait aussi, ça peut me désorienter!)

05 jan. 202405 jan. 2024

C'est vrai, Matelot.
C'est perturbant lorsqu'on navigue longtemps avec la côte d'un même coté et qu'on en change.
Mais cela ne se produisait qu'à mes débuts.

Après réflexion avec mon pote, cette grossière erreur pourrait venir du fait que lorsqu'on est dans l'axe de l'alignement lumineux au 106, entre la Basse plate et cette fameuse perche Sud, le feux d'entrée du port de Batz au bout de l'embarcadère est dans le Nord de la perche en question.
Regarde la carte que je remet ici.
Visuellement, la perche Sud parait au Sud de la route directe pour rejoindre le port, donnant l'impression, crevé et pas très lucide, qu'on doit en passer au Nord.
L'appréciation de la distance (faible) entre l'île et la perche est également faussée de nuit.
Ca a peut être été la source de notre confusion.

06 jan. 202406 jan. 2024

Naissance d’un Chablis.

Vous-vous doutez bien que vu le titre du fil, il ne s’agit pas du cépage… enfin si, mais de celui né du coup de crayon du génial architecte Philippe Harlé ! Muscadet, Cognac, Cabernet, Armagnac, Sauvignon, Scotch, et enfin le somptueux Sancerre : autant de grands crus, fruits d'une maturation parfaitement maitrisée par les Frères Aubin et le grand architecte.

Septembre 1978. Le Grand Pavois de la Rochelle s’impose comme le salon à flot incontournable pour tous les passionnés comme le sont mes parents, jeunes quarantenaires fous de voile. Ils ont depuis pas loin de vingt ans déjà, écumé et usé leurs fonds de salopettes de cirées Guy Cotten d’un bout à l’autre de la Manche, sur un Muscadet puis un Cognac GTE, bateau aussi performant au près que la navigation y est humide.

Les marmots grandissant, ils rêvent maintenant du mètre de plus, échouable facilement pour profiter de mouillages jusque là inaccessibles, et surtout moins chronophage et coûteux en entretien que le contreplaqué des voiliers précédents.

Ils découvrent le Sauvignon à flot au ponton du port des Minimes. Un dériveur lesté en contreplaqué de 8m60, dont le prototype vient tout juste sortir des ateliers du chantier Aubin, à Rezé-les-Nantes, sur les bords de Loire. Les Frères Aubin et Philippe Harlé sont confortablement installés dans le carré, autour de la table à battants repliables, posée sur l'imposant puits de dérive. Dès le bas de la très raide échelle de descente en teck, mes parents sont saisis par le volume spectaculaire qu’offre cette unité par rapport au Cognac, et par sa hauteur sous barreaux de presque 1m90.

La discussion s’engage, s’anime, s’enthousiasme, s’approfondie, se poursuit, n’en finit plus, s’éternise. Les bouteilles de Sauvignon blanc soigneusement gardées au frais se vident. Les pipes en bois sont sorties et parfument l'habitacle chaleureux, associant des boiseries en teck massif ciré et des cloisons laquées blanches. Comme Philippe Harlé, mon père est fumeur de pipe.

La nuit est tombée sur le port de la Rochelle. Le fruit de ces six heures de discussion ? Les plans d’un nouveau bateau sont esquissés sur la grande table du carré. C’est un Sauvignon ... mais en polyester, pas en contreplaqué ! Mes parents sont formels : c’est ce que veut la nouvelle génération de navigateurs, pas prête à passer l’hiver un pinceau et du papier de verre à la main.

L’opération de transformation est simple, puisque le pont du Sauvignon est déjà construit en polyester. Seule un moule de coque est à fabriquer. Tout le reste des éléments du Sauvignon, lest, safran, aménagements, accastillage et gréement sera identique, limitant les coûts de conception.

A l'automne 1978, Philippe Harlé trace les courbes d’une coque en forme, en gardant exactement les mêmes lignes de livet et de quille que celles du Sauvignon. Pendant l'hiver 1978-1979, les moules entrent en chantier. Au printemps 1979, j’accompagne mes parents chez APS, la structure du chantier Aubin qui s’occupe de la partie Polyester. Le moule de coque du Chablis est prêt. Nous assistons en direct à la stratification de la coque n° 1. Ce sera celle des frères Aubin. Mes parents auront la coque n° 3. Un autre client a déjà commandé et payé la coque n° 2.

En novembre 1979, la coque pontée et structurée de ses deux cloisons principales prend la Route de Rezé vers Plancoët, un bourg des côtes d’Armor, à quelques encablures du cap Fréhel et de la côte d'Emeraude. A cette époque, les choses sont assez simples. Nous habitons un vieil HLM, sans possibilité de poser le bateau. Alors, il ira dans la cour du collège de Plancoët où mes parents sont profs ! Le principal de l'établissement est un copain. Et il est ravi. Ca fera de l’animation et de l’instruction pour les gamins, dont plein n’ont encore jamais vu la mer, alors que nous en sommes à moins de 15 kilomètres.

Insouciance des années 70 ? Je ne sais pas, mais personne ne s’est demandé comment on fera entrer le bateau sur sa remorque et la grue dans la cour de l'école ! Il y a bien un passage de service pour les pompiers, mais il fait 3 mètres de large, et le bateau en fait 20 centimètres de plus. Le poids-lourd arrive, se présente en face de l’entrée trop étroite et s'en arrête à deux mètres. Tous les intéressés par l'aventure sont là, mes parents le cœur battant.

Mon père et le principal se regardent :
« T’emmerde pas, on va casser le mur à droite » dit le principal.
On va chercher un agent solide muni d’une masse, ravi de faire une démonstration de sa force musculaire. Un quart d’heure après, le Chablis entre dans le collège sous les hourras et le grutier le dépose dans un coin, sous les cuisines de la cantine. Le bateau est à quelques mètres des fenêtres de la salle de cours de mon père.

Je découvre l’intérieur de notre futur voilier, les yeux ébahis. J’ai tout juste neuf ans, ainsi cet intérieur presque vide me parait immense, insondable ! Il est rempli d'un tas de bois de différentes essences et d’innombrables caisses de matériel. Tout ce qu’il faut pour achever le bateau de A à Z. La motivation et l’aide de quelques collègues de mes parents permettent d’entreposer tout ce précieux matériel à deux pas dans un local mis à disposition.

La construction peut commencer !

Huit mois de travail intense de mes parents suivent, absolument tous les jours, et parfois à quatre lorsque mon grand frère et moi participons. A la mise à l’eau début août 1980, j’ai la fierté d’avoir découpé, stratifié à la coque et peint moi-même les cloisons de couchettes de la pointe avant. J’ai même fabriqué selon mon idée une petite boite de protection pour la sonde de sondeur.

Destination l'Irlande !
(Les deux dernières photos. Les connaisseurs reconnaitrons le petit port)

06 jan. 2024

Tres belle histoire merci,….
où sont passé les insouciances, les envies de ces années là où tout semblait possible, jusqu’à élargir un mur de l’école à la masse sans qu’il faille en soumettre préalablement l’idée , en 350 exemplaires, au « Mamouth » qu’est devenu l’E.N…..?

06 jan. 2024

ça n'a effectivement pas beaucoup changé en 42 ans

c'est où ?
je ne reconnais pas.

07 jan. 2024

Hubert, c'est écrit dans ma réponse juste en dessous !
Schull.

oui, je vois maintenant ta réponse, mais je ne sais pas ce qu'il se passe sur le derveur certains messages arrivent avec beaucoup de retard et par ailleurs je ne vois plus la photo de Schull

ah en effet je reconnais maintenant, c'était en 2009. Du haut du mont Gabriel on a une visibilité extraordinaire

09 jan. 2024

Formidable souvenir, et hop on casse le mur pour faire passer le bateau !!! Oui tout était plus simple, il faudra que que raconte comment nous avons racheté et bossé sur le Kitou, un bateau moulé sur un Requin, premier bateau du créateur propriétaire et polytechnicien à la tête du Chantier Sapo à Rouvres St Jean, à 3 kilomètres de chez moi, je marque ça a l’agenda et au niveau entraide et solidarité c’est vraiment dans le même esprit,ensuite sans moteur on a fait Morlaix Lisbonne Tanger Gibraltar Majorque Minorque Calvi, tout au sextant en plastique, le copain skipper avait appris à faire la méridienne avec les cours de l’Amiral Lacaze au YCF ! Le bateau était très rapide et on avait bien performe dans une Edhec de petit temps, très bien même, en catégorie non jaugé. Je mets une photo quand du bateau renommé Excalibur

09 jan. 2024

Photos

09 jan. 2024

On voit un HB mais la chaise était malencontreusement tombé au fond de l écluse de Morlaix ou elle doit toujours être d ailleurs

09 jan. 2024

Très jolie unité, mais ça doit être humide à bord !

09 jan. 2024

Avec les cirés jaunes rien à craindre 😎😇

07 jan. 202407 jan. 2024

Wisesailor et Sailortoun, et avez raison tous les deux.
Les amis ayant lu le texte hier soir retiennent l'histoire du mur et font la même analyse. Beaucoup de choses qui étaient possibles ne le sont plus !
Oui, c'est bien Schull, que tu avais déjà reconnu sur une photo de j'avais postée il y a quelques années.
Ce que je retiens de cette histoire en tant qu'observateur en direct, c'est aussi la simplicité avec laquelle les protagonistes on décidé de la naissance d'un bateau. Pas d'étude de marché, pas de longues colonnes de chiffres, pas de brainstorming. L'idée est séduisante, alors on l'applique !
Cependant, le Chantier Aubin a fait faillite 4 ans plus tard, comme tant d'autres, malheureusement.

07 jan. 202407 jan. 2024

Le Shangaïé de San Francisco

Je vous livre ce texte que j'ai écrit en mémoire de mon grand-père maternel Auguste. Marin à la vie tumultueuse, il n’accepta de raconter quelques unes de ses aventures maritimes les plus cocasses qu’à la veille de sa mort. Il ne se livra qu’à la première de ses quatre filles (ma mère) et à moi-même.

Mon Pépé Guston, né au Minihic en 1907 sur les Bords de la Rance, proche de la citée corsaire de Saint Malo, a embarqué pour la première fois à la pêche à la morue sur les bancs de Terre Neuve à l'âge de 12 ans. De gré ou de force il n'avait pas le choix, le jeune garçon nommé Auguste. Tous les hommes de la famille étaient saisonniers à la grande pêche l'été... et buvaient toute la solde de plusieurs mois d'embarquement sur la longue route du retour à pieds, du port de débarquement jusqu'à la masure familiale.

Mon grand père que nous appelions tendrement Guston m'a raconté que, enfant, il voyait sa mère Berthe piquer des crises de colère quand son bon à rien de marin rentrait les poches vides après une campagne de huit mois de pêche à Terre Neuve. Elle lui tapait des deux poings sur la poitrine, autant de désespoir que de colère, mais cette dernière ne durait manifestement pas longtemps, car Berthe était enceinte quand son mari repartait la saison suivante...

Pendant les quatre mois d'hiver avant l’embarquement suivant, le brave homme travaillait dur comme tailleur de pierre dans la carrière de granit du Minihic, pour nourrir une bouche de plus tous les ans. Il vécu ainsi des années de labeur dans la misère, forçat de la mer où de la carrière (devenue aujourd'hui le chantier naval du Grand Val). Comme tous ses amis de mauvaise fortune, il buvait plus que de raison, mais ça atténuait sans doute la douleur de la misère. Le destin fit que cette existence de terre-neuvas qui s’achevait en général par la disparition des marins sur les bancs de Terre neuve, perdus à jamais dans la brume ou emportés par un coup de vent, fût tout autre pour le père d’Auguste. Il perdit la vie brutalement au Minihic, à deux pas du logis familial, écrasé par un bloc de granit tombé du haut de la carrière.

C'est pour cela qu'Auguste, un des ainés de la fratrie, dût s'embarquer. Le gamin, taiseux et rebelle, fît une saison comme mousse sur une goélette morutière, après quoi il déclara que plus jamais il n'embarquerait à la pêche. Pourquoi ? Il ne voulu jamais le dire à sa mère qui, catastrophée par la perte de revenu que cela impliquait, l'envoya chez le curé pour en causer. Auguste ressortit de l'église pieds nus tenant ses sabots à la main, après avoir proprement cassé le nez de l’homme d’église d'un coup de talon rageur de son sabot de bois.

Il avait tout juste 13 ans après cette première expérience et aurait accédé au rôle de novice. Les taches étaient guère moins ingrates que celles de mousse et on ne pêchait toujours pas à bord des Doris. On avait cependant davantage de responsabilités, ce qui n’évitait pas de se prendre des raclées par le capitaine ou des marins mal lunés. La grande pêche ne serait pas le destin d’Auguste, ainsi en avait-il décidé à 13 ans.

Il me racontera les raisons de son refus de réembarquer, quelques mois avant sa mort, acceptant enfin de revenir sur plusieurs périodes « blanches » de sa vie. Celles dont personne n'avait connaissance, et qui furent assez nombreuses. Auguste détestait autant les curés que certains sévices corporels infligés ici ou là-bas…

Rapidement repéré par Monsieur Lenormand, patron du célèbre chantier naval du même nom, pour son intelligence et sa débrouillardise, Auguste fut placé en apprentissage pour apprendre la charpente marine. Devenu capable en quelques années de construire à l’herminette un doris ou un canot de pêche, il aurait pu devenir charpentier puis contremaitre, car il était le préféré de Monsieur Lenormand. Cet homme bon était un bienfaiteur de la famille, ainsi Guston aurait-il mené une vie sédentaire au Minihic auprès de sa famille. Mais l’appel du large se fit plus fort et bien que jeune marié, il se réembarqua en 1928 à l’âge de 21 ans comme chauffeur sur le vapeur Saint Brieuc, au départ du port de Saint Malo.

Les années qui suivirent, il fut matelot sur plusieurs navires différents, au départ de Rouen ou de Marseille. Puis vinrent les embarquements sur les derniers grands clippers à voile. Les fameux cap-horniers, qui faisaient la route de New York jusqu’à San Francisco. Cette navigation de plusieurs mois consistait à livrer au plus vite des denrées de première nécessité en Californie, et à ramener du Guano vers l’Europe. Sur ces derniers grands voiliers luttant de vitesse avec peine contre des navires à vapeur et le chemin de fer traversant les états unis d’Amérique, Auguste était charpentier. Un poste enviable par rapport à celui de simple matelot, qu’il exerçait auparavant.

C’est au cours des années 1930, qu’un incident se produisit à bord du clipper alors que le navire tirait laborieusement des bords pour tenter de doubler le Cap Horn vers le Pacifique, contre un grand frais d’Ouest.

Auguste et le jeune officier en second du bord s’étaient froissés. Pas compliqué à imaginer, vu le caractère trempé et entêté de mon grand père. Puni par le second, ce dernier lui ordonna d’aller passer une couche de coaltar chaud sur la vergue de grand voile, au dessus de la passerelle. Cette tâche d’ordinaire simple prenait une toute autre dimension, voiles établies et clipper au près dans une mauvaise mer.

Auguste serra les dents sans rien répondre au second, alla fondre du coaltar au feu de la chaudière, en remplit un seau et monta au mat d’artimon muni du seau brûlant et d’un pinceau dans une poche de sa salopette. Il savait risquer sa vie, car on ne réalise jamais une telle opération d’entretien grand voile établie par mauvais temps.
Il se déhalât prudemment le long de la vergue vers l’arrière, barbouillant comme il le pouvait l’espar en bois, puis il s’arrêta. Il évaluât la situation, attendit le bon moment puis… le seau tomba.
Il tomba pile sur le crâne du second, qui perdit connaissance, gravement blessé à la tête.

Les circonstances du prétendu accident n’échappèrent pas au commandant du Clipper, et Auguste fût mis aux fers immédiatement. Il passa le reste de la traversée vers San Francisco derrière les barreaux de la prison du bord, avant d’être livré aux autorités compétentes puis jugé. Auguste fût reconnu coupable de tentative de meurtre sur un officier, avec des circonstances atténuantes. A la vue du différent qui opposait les deux hommes, la punition imposée par le jeune officier était beaucoup trop sévère, dangereuse et inadaptée.

Comme le second se remit de ses blessures, Auguste fût condamné à seulement deux ans de prison ferme, qu’il devrait purger à San Francisco. Mais la peine ne dura que quelques semaines… Il fût Shangaïé par un autre capitaine de Clipper, réclamant d’urgence aux autorités portuaires de la main d’œuvre qualifiée pour ramener sa cargaison en Europe !

La pratique était courante à l’époque : « shangaïer » un marin c’était l’embarquer de force. L’enrôler par la force ou la ruse, pour compléter un équipage insuffisant. Cette pratique avait cours principalement dans les ports de la côte Ouest des états Unis à la fin du XIXème siècle, mais se poursuivit jusqu’au début du vingtième .
La peine fût donc allégée, et Auguste rentra en Europe comme charpentier de marine sur un des tous derniers clippers à voile à faire le voyage, et il retrouva sa femme.

Il poursuivit sa carrière de charpentier de marine à bord de différents navires de commerce entre l’Afrique du Nord et la Norvège, y compris pendant la guerre, jusqu’en 1942. Mais cette année là, se passèrent deux évènements majeurs qui modifièrent à jamais sa vie. Ce sera peut être le thème d’une autre histoire de mer, car c’en est une, et pas des moindres !

Photos :
- Page d'un des livrets maritimes (celui d'Auguste où d'un de ses frères, je ne sais plus).
- Auguste à la fin des années 40.
- Avec moi, tout petit !
- Guston à 83 ans. Bon pied bon œil !

07 jan. 2024

Super histoire, merci
J’ai reçu quelques confidence d’un ancien marin, mort centenaire, embarqué lui aussi à 12 ans comme mousse. Les conditions de vie des mousses pouvaient être épouvantables sur certaines goélettes morutières malouines… ou autres !

08 jan. 2024

Pour la vie à la grande pêche au 19ème siècle, sans doute romancée (embellie?).
www.lalibrairie.com[...]90.html

09 jan. 2024

et aussi celui-là, qui démystifie pas mal la Grande Pêche!
www.fnac.com[...]Islande

07 jan. 2024

Très belle histoire ! On attend la suite !

07 jan. 2024

Belle histoire matelot101, merci. Il a donc vécu cette transition, charnière temporelle, entre la voile de travail (ces clippers) et puis celle de la plaisance, c'est pas rien en plus de la vie aventureuse qu'il a connu

(PS : sur la dernière photo, c'est la montre Lip dont tu parles dans le fil sur les montres que l'on voit ?)

07 jan. 2024

Quel œil, Moyak !!
Non, ce n'est pas la LIP, qui est plaquée or avec un cadran or également et pas de date.
Je ne sais pas ce que c'est, mais je vais voir bientôt un grand horloger français, rénovant beaucoup de montres anciennes. Il aura peut être une idée.

09 jan. 2024

Ça ressemble beaucoup à une Michel Herbelin.

Dans mon esprit ce superbe témoignage rejoint le documentaire sur Magellan.
Non ce n'était pas mieux avant.
Cependant la vie semblait moins aseptisée, plus "entière". Je m'arrête avant de me perdre!

08 jan. 2024

Merci pour le lien, Polmar.

Si l'histoire de la grande pêche vous intéresse, voici le lien d'un film de fiction en 6 épisodes qui retrace la vie d'un groupe de terre-neuvas et de leurs familles.
La série s'appelle "Entre terre et mer"
C'est très bien joué et très bien filmé. Captivant.
De belles soirées d'hiver en perspective !

Le gamin portant fièrement la casquette de son Pépé, ancien terre-neuvas, cap-hornier et charpentier de marine, c'est moi !
Ca me donne le sentiment qu'avec nos "yachts de plaisance" super équipés, tels que les appelait avec une pointe de dédain mon grand père, nous sommes des rigolos !

D'ailleurs, j'ai raconté dans un précédent épisode sur mon grand père, qu'il a toujours refusé de mettre les pieds sur les voiliers de plaisance de mes parents.

"C'est un mouille-cul, j'irai pas là d'sus", disait-il.

08 jan. 2024

J'ai une histoire tout à fait incroyable à raconter, qui m'est arrivée en navigant à la marine marchande et d'où j'ai tiré mon pseudonyme. Je suis en effet passé dans un cyclone de catégorie 5 au large de Taiwan, un cyclone avec des vents de 150 nds (277 km/h). De plus ce cyclone traînait sur la zone depuis un certain temps, ce qui fait que la houle avait une vitesse de dingue.
Il faut aussi se rendre compte que l'énergie du vent augmente avec le cube de sa vitesse, donc 150 nds de vent ce n'est pas trois fois plus fort que 50 nds mais trois au cube soit 27 fois plus fort. 27 fois plus fort que 50 nds en linéaire cela donne 1350 nds ou 2500 km/h (comme ça vous visualisez mieux ce qu'il se passe dans un catégorie 5) . Cette énergie du vent se transmet aux vagues, en particulier quand l'oeil progresse lentement car alors le système a le temps de se mettre en branle.
Mais le plus dangereux c'est que quand on arrive dans l'oeil ou à proximité (dont la superficie est minuscule) et bien les vagues ne s'arrêtent pas et rencontrent celles qui arrivent de l'autre côté de l'oeil de la direction opposée.
J'en ai déjà parlé dans d'autres fils, mais tout le monde me prend pour un fou.
Je vous le demande : que croyez-vous qu'il arrive quand les vagues se croisent, sachant que leur énergie est exponentielle comme celle du vent mais que l'eau est incompressible ?

14 jan. 2024

Bonjour.
L'énergie (la force) du vent augmente comme le carré de sa vitesse, pas le cube :)

14 jan. 2024

Si-si. Le physicien confirme les propos de Super Typhon.
La force (e Newton) est proportionnelle au carré de la vitesse.
L'énergie (en Joule) est proportionnelle au cube de la vitesse.
C'est une démonstration assez simple.

14 jan. 2024

E=1/2 x m x v² non ?

14 jan. 2024

Oui, la formule est correcte. Mais il faut exprimer la masse de l'air.
Et elle s'exprime en fonction de sa masse volumique, et du volume d'air qui se déplace pendant une durée déterminée.
Et cette durée s'exprime en fonction de la vitesse du vent !
Finalement, on obtient la formule suivante :

Ec = 1/2 x masse volumique de l'air x surface soumise au vent x durée de l'exposition x vitesse au cube.

La formule s'applique très bien aux éoliennes par exemple, dont la surface est cette du cercle décrit par les pales.

14 jan. 2024

Oui, ça c'est l'énergie que l'éolienne peut extraire du vent. Elle est égale au cube le la vitesse du vent.
Mais ce qui s'applique, par exemple, sur une voile de voilier c'est la force du vent. Qui croît comme le carré de la vitesse.

Pas d'accord ?

14 jan. 2024

La force et l'énergie s'appliquent et doivent être prisent en compte séparément dans tout problème car le temps est une grandeur fondamentale.
L'auteur parle d'énergie, alors ne polémiquons pas, ce qui est absolument proscrit sur ce fil !

14 jan. 2024

Merci.

14 jan. 2024

C'est l'énergie des vagues qui augmente avec le carré de leur vitesse, multipliée par leur masse.
Vu qu'à proximité de l'oeil la dépression est terrible et joue le rôle de machine à faire du vide vous imaginez leur vitesse. Et comme elles vont buter sur la grande muraille de la houle croisée leur forme devient de plus en plus vilaine car en fait l'altitude augmente au fur et à mesure que l'on se rapproche de cette muraille. Cela est dû à l'incompressibilité de l'eau et en conséquence de quoi il se crée un courant qui va dans le sens contraire (un peu comme les vagues de l'Atlantique qui vous entraîne vers le large quand vous vous y baignez) et génère des vagues absolument abominables de part leur forme, comme si elles s'apprêtaient à déferler, avec la circonstance aggravante qu'elles ont une vitesse de dingue.
Mon témoignage est d'autant plus important car je suis la seule personne au monde à pouvoir fair la description de ce qu'il se passe à proximité de l'oeil d'un cyclone, sinon on ne raconterait pas dans les académies de navigation que dans l'oeil d'un cyclone "il fait calme".
J'interprète cela comme quoi tout les navires qui sont passés là-dedans ont fait naufrage.
Sachez aussi que j'étais la seule personne à bord à résister à ces conditions dantesques, j'ai retrouvé les autres membres de l'équipage à l'état de zombie le lendemain.
Alors, à quand un documentaire sur ce qu'il se passe réellement dans un cyclone de catégorie 5 dans des conditions océaniques ?

09 jan. 2024

On a juste pas envie d'y être !
Ca me rappelle deux mauvais souvenirs dans des situations bien moins dantesques : un chavirage au cap d'Ambre (Nord de Madagascar), et une crise de panique de mon épouse au large des Scilly, dans une mer croisée démontée.
Pas glop.

10 jan. 2024

Les gendarmes de Saint-Tropez.

Si le titre de l’histoire est un clin d’œil au célèbre film, il s’agit bien d’une histoire de mer vécue par mon grand père paternel. La précédente histoire racontée concernait mon grand père maternel !

Né à Dampierre en 1914, il est un enfant de la grande guerre. Bien que ses parents fussent originaires de la proche région parisienne, l’enfant fût appelé Yannick, un prénom peu ordinaire à l’époque pour un gamin parisien. Cela a peut-être orienté sa destinée, car le jeune Yannick était un grand sportif attiré par la montagne, et il a finalement passé toute sa vie active et sa retraite en Bretagne en bord de mer ou dessus !

Sportif accompli dès l’adolescence et d’esprit aventurier, pour ne pas dire aventureux, Yannick a quitté Paris avec fracas (au sens propre), peu de temps après y avoir obtenu son bac. Sa mère, institutrice veuve de guerre désargentée, rêvait pour son fils d’une grande carrière dans l’hôtellerie. Ayant un ami bien placé à l’hôtel Ritz, elle fit embaucher son fils comme garçon d’étage, pour y débuter son apprentissage. C’était sans compter sur le caractère revêche et la témérité du jeune homme.

Un très riche aristocrate logeant dans le prestigieux hôtel de la place Vendôme, avait pour habitude de faire son entrainement de golf dans sa suite tous les matins. Ainsi détruisait-il avec un total détachement le même mur du salon jour après jour, dont le garçon d’étage devait immédiatement nettoyer les débris, avant de chercher à genoux les dizaines de balles éparpillées dans le luxueux appartement. Exaspéré par le comportement de l’individu fortuné, qui eu le malheur de lui faire une remarque déplaisante un matin, Yannick lui cassa proprement la gueule, avant de prendre ses cliques et ses claques, et de quitter Paris !

Là s’arrêta la promesse d’une brillante carrière dans l’hôtellerie de luxe, et débuta pour Yannick une existence de plusieurs mois d’aventures avec son ancien professeur de gymnastique de lycée. Un solide gaillard d’environ quinze ans son ainé. Ce dernier, spécialiste de canoë canadien et possédant une embarcation lui proposa de traverser la France en autocar, le canoë sur le toit, pour aller explorer la côte méditerranéenne de la frontière espagnole à la frontière italienne.

Voila donc les deux compagnons partis en mai 1932 pour un été à pagayer. Le canoë en bois était équipé d’une voile latine et de deux dérives latérales, ainsi l’équipage pouvait ‘il parcourir de bonnes distances journalières, avant de s’arrêter sur une plage déserte pour y planter la tente canadienne.

Le canoë était assez lourdement chargé. Par l’antique tente en coton épais, surplus de guerre d’une part, mais surtout par plusieurs sacs de farine et de semoule de blé, ainsi que de réserves d’eau, qui constituaient la seule nourriture du bord. Par contre, l’équipement personnel des deux aventuriers était plus que limité. Un « slip » de bain en coton, une culotte courte, un maillot en coton et un pull en laine. C’était à peu près tout ce que les garçons avaient à se mettre sur le dos. Les chaussures ne faisaient pas partie de l’inventaire, car inutiles dans le canoë et sur les plages.

Yannick m’a raconté cette aventure l’ayant marquée au point de forger sa vocation professionnelle future. L’anecdote que je relate ici est celle qui fait référence au titre.

Après une journée de pagaie sous le soleil du Var, la soirée est déjà bien avancée lorsque le chef de bord repère enfin un endroit propice au bivouac, entre une pointe rocheuse et une citadelle. C’est une plage orientée au Nord, très bien abritée des vents dominants et déserte, ce qui est une condition requise. En effet, les deux hommes sont mal accueillis lorsqu’il y a un village proche de leur campement. Leur tenue inhabituelle constituée d’un simple slip en coton (ils sont la plupart du temps torses nus) et leur teint halé inspirent la méfiance, voir le dégout chez les villageois et les pêcheurs locaux.

Ils tirent le canoë au sec sur le sable et s’apprêtent à monter la tente pendant que le soleil décline doucement derrière la citadelle. C’est alors que la maréchaussée du village situé à l’Ouest de la citadelle arrive sur la plage, sifflant force coups de sifflets. Voila nos deux aventuriers bientôt encerclés par quatre gendarmes en uniforme et en sabots, qui les informent qu’ils sont en état d’arrestation et doivent les suivre au poste !
Interloqué, le chef de bord demande les raisons de cette arrestation :
« Les aristocrates en villégiature dans le village se sont plaint de l’inadmissible débarquement de deux pédérastes nus sur la plage de Saint-Tropez ».

Stupeur ! Pire, on leur refuse toute négociation, y compris celle de repartir en mer. Les deux pédérastes seront conduits en cellule tels qu’ils sont vêtus et seront incarcérés jusqu’à ce que l’affaire soit tirée au clair. Leur matériel restera là où il se trouve. Point.

Voilà donc nos deux aventuriers conduits jusqu’au poste de gendarmerie, à pied, deux gendarmes devant et deux derrière. Les quelques centaines de mètres de rues qui séparent la plage d’un séjour derrière les barreaux et de tracasseries certaines sont propices aux échanges à voix basse. Arrivés dans les ruelles étroites du village, le chef de bord livre son plan à voix feutrée à Yannick :
« Dès que nous serons dans une ruelle étroite entre deux murs de propriétés, je dis « top ». Tu sautes par-dessus le mur de gauche et moi par-dessus le mur de droite. On se retrouve à la plage, on tire le canoë à l’eau et on se sauve ».

Le plan est osé mais parfaitement réaliste. Les deux jeunes sportifs habitués à crapahuter pieds nus sur les rochers peuvent en moins de deux secondes sauter par-dessus un mur de deux à trois mètres de haut, puis courir très rapidement jusqu’à la plage. Il en va tout autrement de gendarmes âgés et bedonnants chaussés de sabots.

« Top ». Les deux sportifs disparaissent sous le regard éberlué des gendarmes, impuissants. Il fait nuit lorsque Yannick et son professeur de gymnastique se retrouvent sur la plage. Le matériel est jeté en vrac dans le canoë et ils sont hors de portée du bord quelques secondes plus tard. « Ouf ! On l’a échappé belle ! » S’exclament les deux hommes en pagayant vers les Nord pour traverser le golfe de Saint-Tropez et trouver un nouveau lieu de campement.

Ils avancent tranquillement depuis une demi-heure, se remettant de leurs émotions, lorsqu’un bruit de moteur Diesel se rapproche. Puis une puissante torche électrique balaie l’horizon dans leur direction. « Merde, c’est pas vrai ! ». Et bien si… Furieux, les gendarmes ont embarqué dans une vedette puissamment motorisée et ont la ferme intension de retrouver les fuyards. Il n’y a plus qu’une seule solution, pour échapper à ce qui va devenir de sérieux ennuis judiciaires : retourner le canoë, le remplir d’eau et se cacher dessous avec 20 centimètres d’air pour respirer. Mais cela implique la possible perte totale de l’équipement, tente, sacs de nourriture, et probablement le mât, la voile et les pagaies, mais l’urgence impose cette solution radicale.

La vedette tourne une bonne heure dans les environs, sans détecter la coque retournée du canoë, qui surnage à peine au dessus du clapot. Yannick sort la tête de la coque du canoë et constate que le feu de recherche est éteint et que la vedette rebrousse chemin. L’embarcation est remise à l’endroit et fort heureusement, l’équipement est retrouvé en raison du temps calme, mais la totalité de la nourriture, farine et semoule est perdue. Pas grave, c’est ce qui fait le sel de l’aventure !

Et ce fût le cas, car après avoir repris ses études et être à son tour devenu professeur de gymnastique, mon grand père Yannick a conduit plusieurs expéditions en canoë à voile autour des côtes désertes de la Corse dès la fin de la seconde guerre mondiale.

J'ai des photos de jeunesse de mon grand père et du même canoë canadien que celui de cette aventure. Celui avec lequel Yannick a fait le tour de Corse à la fin des années 1940. Mais ces photos sont dans un album pas accessible pour le moment.
Je vous met donc juste une photo de mon grand père Yannick, prise dans les années 1960, lorsqu'il était prof au CREPS de Dinard.

14 jan. 202414 jan. 2024

Salut à tous.

J'attends avec impatiences vos histoires de mer. C'est tellement chouette à lire.
Là, ça devient tristement un monologue... même ED850 ne contribue plus !

Que ce passe-t-il ? Les doigts enflés par le froid qui règne en France ?

J'ai néanmoins le plaisir de vous annoncer un peu égoïstement que plusieurs des textes que j'ai écrits dans ce fil fantastique, et que j'ai traduits en anglais, sont lauréats de deux prix, en Angleterre.

Le Harken Trophy du meilleur article technique pour la rénovation de mon Westerly Konsort.
Et le prix 2023 de l'éditeur de la WOA pour les quelques textes d'aventures maritimes que j'ai également traduits.

Donc un grand merci à ED850 pour la création de ce fil. N'écrivant habituellement que dans mon coin, je n'aurais jamais oser proposer mes textes à la lecture publique si ce fil n'avait pas existé.

je vais sûrement chopper la grosse tête, avec ce prestigieux prix (qui ne fera pas une ligne dans la moindre gazette), mais surtout avec le fabuleux chèque de... 50 livres qui va l'être envoyé !

L'éditeur m'a fait promettre de n'acheter que "des" livres avec cet argent.
Les promesses n'engageant que ceux qui y croient, comme disait Chirac (détrompez-moi si je me trompe), je vais me payer une bouteille de Whisky et la descendre tranquillement à la santé de nos amis britishs !

Alors, c'est tout auréolé de gloire, que je retente discrètement de reposter un texte qui valu un cadenas et trois semaines sans pouvoir me reconnecter au site (c'est forcément le hasard)
Au cas ou un modo manquant d'humour y verrai une quelconque offense (à qui ??), merci de m'en prévenir et de simplement retirer le texte plutôt que de me remettre à coup de pieds au c.. !

Tiens, j'ai dit c.. ?
Voilà une transition toute trouvée pour poster ce texte, qui est bien une grande aventure : celle de l'histoire du vocabulaire technique maritime, intimement liée au vocabulaire courant, et celle du bon mouillage d'un voilier !
N'y voyez rien d'autre.

Quelques trucs pour bien mouiller.

Tutoriel à l’usage des débutants(es), pour assurer le bon déroulement d’une très agréable pratique quotidienne, voir davantage pour ceux qui aiment ça !

Bien mouiller est la condition préliminaire indispensable pour que le marin se sente bien au creux du bassin choisi.

Il faut d’abord trouver la Belle Poule et lui mettre le grappin dessus, ou l’inverse comme montre cette photo d’illustration. Après qu’un membre ou un autre de l’équipage ait vérifié le bon état du mouillage, il ou elle saisit l'ancre par la verge, l'engage dans l'orifice (appelé davier), et laisse sonder une bonne longueur de biture. Une fois l'ancre arrivée au fond, le marin tire un coup doucement en arrière une ou plusieurs fois, pour la faire bien pénétrer afin que sa partie la plus épaisse et massive fasse sa place, calée au sein du fondement plus ou moins meuble, suivant les conditions du mouillage.

La biture doit se tendre bien raide, sans que l’ancre ne chasse du sillon quelle a creusé le plus profondément possible. Si elle reste molle, c'est que quelque chose ne va pas, et il convient de recommencer l'opération du début. Enfin, la bonne bite dont il faut toujours disposer permet d’assurer le mouillage dans la durée, pour garantir le repos du marin.

Vous noterez que tous les termes utilisés sont sans exception le vocabulaire maritime adapté à la manœuvre décrite. Celle qu'il convient d'employer, sans quoi, ça peut mal se passer. La pratique ne sera pas fréquemment renouvelée et le marin, frustré !

Comme je manque de références sur l'origine du vocabulaire maritime, avez-vous des infos ?
Est-il passé de la mer à la terre ou l'inverse ?

24 jan. 2024

Bravo!

14 jan. 202414 jan. 2024

Bah voila un ptit souvenir ....Nav vers la Galapagos....

Je crois que c’est quand t’es môme que tu te construis tes rêves et principalement en voyant des images , même si tu sais pas encore trop lire.
Pour ma part je suis ce que on appelle pompeusement un “Hergéen” soit un mec profondément marqué par les aventures de Tintin et Milou .. Hergé quoi !..(lire TinTin chez le Psycanalyste)
Quand j’ai vu pour la première fois des trucs écrits en Arabe je pensais obligatoirement que c'était des injures à cause des Nomades dans le crabe au pince d’or .
Et moi qui traînait plus tard souvent dans les ports j'adorais regarder les cargos au mouillage et imaginais toujours Tintin grimper sur la chaîne de l’ancre pour monter à bord du Karaboudjan !
Une de mes premières lectures fut Cocke en stock .. C’est la mère Despré qui me l’avait acheté à sa sortie en 1956 ! On y voyait des poissons volants au travers les jumelles du Capitaine Haddock qui après savatait grave la commande de timonerie du cargo ça m’a marqué à jamais. Si un jour je gagne au loto j’en achèterais un de ces trucs, on en voit souvent chez les antiquaires de marinemais ça vaut un bras.
Si non, mon père ramenait toujours un tas de bouquins à la maison et les lisait pas mais il avait fait une bibli en bois dans laquelle il les rangeait
Il avait aussi commandé la collec complète de Honoré de Balzac chez Jean de Bonnot reliée en cuir Bleu .. il en recevait un ou deux par mois et les rangeait très satisfait .. je crois qu’il n’en a jamais lu un seul .. lol.
Parmi tous les bouquins il ya avait L'Expédition du Kon-Tiki et celui la je l’ai feuilleté des centaines de fois en rêvant sur les photos surtout ceelle du requin baleine qu’il avait pécho le Thor Heyerdahl!
Y avait aussi la téloche avec une seul chaîne en N&B je regardais “la vie des animaux”de Claude Darget, il avait une voix extra ce mec et un jour j’ai flippé en voyant les gros dragons sur son émission sur les îles Galapagos !
Ensuite j’ai toujours rêvé d’y aller comme une sorte de graal un peu comme d'autres d’aller sur la lune ou je sais pas où.
20 ans plus tard je me trouve sur la petite Île de San Andrés au large du Nicaragua d'où je venais et des côtes de Colombie ou j’allais.
J’avais pas traîné au Nicaragua car c'étaient les émeutes contre Somosa et les bus de la Compagnie Tica était souvent criblé de balles !
Je trainais sac à dos, guide du routard dans la poche et chemise à carreau, me manquait que la guitare dans le dos mais je sais pas en jouer !
Je rencontre un écossais qui lui venait du sud et en particulier l’Equateur.
Le mec me raconte qu’il a eu un plan pour aller aux Galapagos sur un bateau qui faisait du fret entre Guayaquil et les îles.
Binguo je n'avais plus en tête que ce truc.
Le plan était simple .. Allez voir le Capitaine du Darwin au quai numéro 5 et pour quelques centaines de dollars il t'emmenait à bord faire sa tournée !! Le rêve.
Du coup on part avec un pote ,Olivier , pour la Colombie .
On descend en stop toute la Colombie et nous voilà en Equateur ..
Du nord vers Guayaquil faut traverser une partie de la cordillère, un des stops à faire c’est le marché d’Otavalo .. on y avait acheté des bonnets en laine genre Inca pour touriste .
Un couple équatoriens avec leur môme allait vers Guayaquil et ils ont accepté de nous proposer un lift.
Ils avaient un Pick Up, un Datsun,super ! on s’est mis derrière dans le plateau. Au début c'était super mais après y a des cols à plus 4500 mètres ,on a mis les bonnets et on s’est serré l'un contre l’autre car ça caillait grave et quand tu regardes les précipices t'as peur surtout avec la conduite des chauffeurs des bus que tu croises ,des malades les mecs.
Après la descente on est arrivé . Là c’est l'équateur et là il fait très lourd .
On était crevé mais on a vite filé vers le port pour trouver le quai numéro 5 et le fameux Darwin!
Mais le port de Quaya est à perpète du centre.. galère .. c’est genre le Havre en 3 fois plus grand .. et de toutes tu peux pas y rentrer sans permis ..On avait la rage et le moral dans les pataugas. Donc demi tour vers le centre Ville ou on a trainé sous la putain de chaleur Tout ça pour ça !. L’enculé d’Ecossais c'était un gros mytho et il s'était foutu de notre gueule..
Fallait trouver une piole pour dormir car il commençait à se faire tard. On a longé le bord de l’estuaire espérant trouver un hôtel minable à pas cher..
Je regardais le sol de béton et je vois écrit un truc avec des grosse lettres noires faites au pochoir .. “Muelle 1” .. ça veut dire Quai 1 en espinguoin !!
Bordel y avait une structure portuaire sur l’estuaire, un truc pour les ptits bateaux de commerce ..et donc on court comme des dératés. Muelle 2 , Muelle 3 , Muelle 4
Et Cinquo ….Mierda le quai est vide. “Donde esta el DARWIN ??? “.. un docker nous dit qu’il est barré ce matin vers les Galapagos !!!
Le rêve nous échappe encore ..car il sait pas quand le bateau sera de retour mais sûrement pas de départ avant au moins un mois et encore …
Guayaquil je peux te dire que c’est pas Saint Tropez et je me voyais pas y faire du tourisme. Bonjour tristesse aurait écrit Françoise …
Et puis comme par miracle on a eu une apparition .J’aurais vu la Sainte Vierge en ptite culotte de chez Chantal Thomas j’aurai pas été si éberlué.
Plus loin, le long d’un mole.. Il était là , comme sorti du film “ l’African Queen” avec sa cheminée et sa vieille coque noire …. magnifico “El DARWIN” écrit en grandes lettres blanches sur sa poupe .
Avec sa quarantaine de mètres c'était un beau caboteur dans la grande tradition comme je les aime.
Tout va vite.. le Capitaine est à bord . No problemo quelques billets et hop on est déjà installé dans une petite cabine sympa avec deux couchettes superposées.
Le départ est prévu dans 3 jours car il attend la fin du chargement du fret .
Il y a déjà des tas de truc a bord , des sac de riz, des gazinières et plein de machin ..
On jubile ..
Si t’aimes pas les mosquitos bah va pas la bas .. car comme le dit Timzit dans son sketche ils te piquent pas ils t'empalent en plus c'est des versions XXl .
L’avantage c’est que l'attaque commence à la tombée du soleil c’est réglé ...donc tout le monde aux abris à 18 h en bordure du canal . On avait rencontré un couple de francais qui étais sur un voilier au mouillage dans l’estuaire .. les jambes de la meuf c'était impressionnant...elle avait fait la connerie de mettre un short..et c’est plus des jambes qu'elle avait mais des trucs informes plein de plaies dégueulasses qui s’infectaient !
Y avait un cinoche pas loin et on a avait été voir deux films.. Simbad le marin et Emmanuelle..Je m’en souviens car un des acteurs, un beau goss blond et tout , je l’ai rencontré quelque mois plus tard à Fort de france où il trainait sur son bateau et vivait de quelques rapines (sans jeux de mots) et de trafics divers..
En rentrant du cinoche c’est marée basse, près du Darwin je vois sur la vase les bancs d’algue .. c’est bizarre ya pas d’eau ni de vent mais les algues bougent ...bah non c’est pas des algues mais des rats, y en a des centaines.. je te le confirme Guaya c’est pas St Trop….sur la plage ensoleillée coquillage et crustacé ..là c’est pas la même affaire
On attend cool le départ en se bronzant sur le roof du Darwin ou il ya ce que l’on appelle un “ Engin Flottant” ..un matériel de sécu que je trouve confortable pour la bronzette.. pour le reste on en rigole avec Olivier .
Voilà, on y est c’est le départ et enfin .. nous voilà barrés vers le large en longeant l'estuaire puis le delta sur plusieurs miles. Je sais pas si le capitaine avait picolé ou quoi mais on se fait un haut fond et on attend que la marée monte pour se dégager ...On reprend la route, la nuit tombe.. je vais me coucher dans la petite cabine ..
Dans la nuit je dors à poing fermé. Olivier me réveille en me secouant comme un dingue en panique ….”lève toi ! lève toi sauve ta peau” . . il sort vite fait .. j’ai du mal à réaliser mais on est en train de couler..j’y crois pas .. le Darwin prend de la gîte ...je prends mon sac à dos ..et cherche un gilet de sauvetage …rien ! je fais deux autres cabines j'insiste car je sais que c’est capital.. je peux te dire que là les secondes sont des heures enfin je trouve une brassière dont les flotteurs sont en balsa (la bas tout ces trucs sont en balsa car l'équateur est un gros producteur ). Le Darwin prend un gros coup de gîte de 45 degrés .. c’est la panique , ça crie de partout , j’arrive à atteindre le pont . On coule à pic. Je monte sur la rambarde la plus haute et balance mon sac… j’ai plus le choix et je vais plonger. Je suis en slip de bain et torse nu, j’ai juste mon passeport et les derniers travelers American Express qu’il me restent dans une petite sacoche que j’ai 24/24 autour du cou
Étonnamment je reste calme.. et je me dis avec humour ”.j’espère qu'elle est bonne !” c’est dingu.Je plonge en ayant peur d'être aspiré ( j’ai du voir cela dans un film mais c’est bidon.. ..je viens justement de tester ) et crawle comme un dingue.
Soudain le tumulte se fait silence . Le Darwin disparaît,.je nage mais je sais pas vers où ni pourquoi..
J'entend les cris d’Olivier .. “Didier Didier “ il m’a repéré grâce à mes petites lunettes rondes d’intello qui brillent dans la lueur de la pleine lune ..
Je nage vers lui , il est agrippé à l’engin flottant sur lequel on se bronzait à Guaya .Il est pas dessus car les deux Équatoriens dessus refusent que l’on monte !
C’est le Pacifique et j’espère que les requins sont pas trop affamés dans le coin !
Curieusement je n’ai aucune peur .. Je pense juste à ma Mère et qu’elle va juste apprendre peut être ma disparition sans savoir ou je suis disparu et que cela va être très très dur pour elle . Moi j’ai pas peur de la mort ,je n’y pense même pas, je ne raisonne pas , ne pense pas de toute . Je m'accroche point , faut trouver un truc pour sortir de cette situation, je suis capable de nager des heures je le sais .J'attends combien de temps je ne sais plus.
Au loin les lumières d’un gros bateau apparaissent dans la nuit, un espoir ? puis rapidement des bruits de moteur qui se rapprochent de je ne sais d’où.
Un des équatoriens sur l’engin flottant est sec.. il sort une pochette d’allumette de la poche de sa chemise à carreau en Nylon qu’il déchire en lambeau pour en faire des flammèches. Détail bête c’est la même chemise que celle de mon père qu’il utilisait pour les coups de soleil quand j'étais petit sur la plage de St Aygulf ! Dans ces moments le cerveau répond à des stimuli très curieux.
Le bruit de moteur se fait très fort .. Une chaloupe surgit de la nuit et vient vers nous.On s’agrippe à la grosse corde qui longe son bord . Les deux équatoriens grimpent vite à bord . Et c’est là que j’ai eu peur .. la manœuvre est un peu longue j’ai du mal à grimper par la petite échelle et mes jambes battent la flotte ….je pense aux gentilles bestioles qui peuvent être attirées par les bruits...je suis limite en panique pour ces dernières secondes.Enfin un mec me hisse ..c’est bon je suis sauvé et Olivier pareil. Ouf, on est pas passé loin de la cata ..mais le destin en avait décidé autrement . …
La chaloupe prend la direction du cargo qui avaient reçu l’appel de détresse que le capitaine avait réussi à envoyer !! les Galapagos c‘est rappé .
Comme le chante Hervé Vilard “C’est fini je ne crois pas que j’y retournerais un jour “
En quelques minutes la chaloupe est le long de la longue coque du Cargo qui rentre à Guayaquil.On grimpe à bord par une sorte d’escalier et on est accueilli à bord.On est une trentaine de rescapé et on est réuni dans une grande salle ...L’ambiance est sympa , on picole comme si de rien n'était comme à un pot d’anniversaire.
Le jour se lève .. j’ai pas dormi et me voilà débarqué et ramené à la case départ ….et sans avoir reçu 20000 francs.
Une petite foule est réunie avec des autorités .. on se renseigne , le Patron de la compagnie du Darwin est barré sans laisser de trace.Grosso merdo on est dans la merde car pris en charge par personne dans cette ville où l’on a aucun contact.On avait pas internet ou un mobile à l'époque, donc faut se démerder à l’arrache
Je suis pieds nus et en slip de bain , torse poil. Mon passeport a grave pris l’eau et l’encre des visas a coulé (je l’ai encore comme souvenir !). J’arrive à trouver l’adresse du consulat de France...c’est pas trop loin . On se concerte avec Olivier.. Il parle un peu l’espagnol et lui restera aux nouvelles. Un mec me file un tshirt et go je fonce en courant vers le consulat qui, coup de bol ,est pas trop loin.
En fait de Consulat c’est juste l’adresse d’un appart .. il n’y avait ni Ambassade ni Consulat à Guayaquil. C’est juste un consulat honoraire..Je trouve une plaque en cuivre : François Durin Consul honoraire de france !
Je sonne, la porte s’ouvre et je tombe sur un grand mec au “beaux’”cheveux blancs de 70 balais environ...Il me dévisage ...je lui explique le truc..
Il me file une paire de vieille Tennis blanches, un froc bleu trop large et une chemise en nylon à rayures bleues et blanches.elle aussi trop large. “cela ne veut rien dire pour vous mais pour moi cela compte beaucoup” ces détails l.
On prend sa caisse et on va chercher Olivier .. qui lui n’a rien de neuf.
François Durin connaît la musique de ce pays.., du coup on traine pas et on va chez lui où l’on restera quelques jours.
Il nous raconte sa vie .. Il est arrivé en Equateur à 20 ans sans un sous mais a vite monté une plantation de Café et autres trucs.Marrant il a des photos et on le voit tout maigre quand il a avait 25 ans...Désormais il coule des jours tranquilles et par relation est devenu Consul Honoraire…
On reste chez lui 3 ou 4 jours et il nous balade, ou va voir quelques plantations.. mais aucune aide autre que lui..
La compagnie a été contactée bla balabala ..La seule chose que l’on réussi à avoir c’est une piaule avec pension complète.. payer par la compagnie.en attendant quoi je sais pas .
Quelques jours après l'épave d'El Darwin est remonté des hauts fonds après avoir dérivé j'ai gardé cette relique !

La pension de famille c’est pas le Sheraton !
Je dirai même que c’est un taudis tenu par une Grosse black tyrannique!" desolé pour le terme .
Y a pas l’eau courante… juste un énorme fût en métal dans lequel on vient prendre de l'eau avec un seau …
On traîne à Guaya mais le temps commence être long à moisir chez la grosse.
Un soir on traîne et on rencontre une belle fille une très jolie black avec qui on se lie ‘“’amitié” et on va au cinoche..
Elle nous invite chez elle. Chez elle c’est dans le bidonville à quelque Km du centre ! On chope un taxi et on boit un dernier verre et on dort avec elle..Fallait être dingue de trainer dans le bidonville..
Elle vit seule avec son fils dans une sorte de cabane pourrie …On se casse tôt le matin un peu stressés de là où l’on a (encore) échoués .. mais les gens sont cools en fait .
Il a plut toute la nuit et c’est un champ de boue partout car les allées sont pas goudronnées.
J’ai toujours aux pieds mes tennis blanches.. et je suis couvert de boue jusqu'aux genoux.
J’ai la rage de mon état boueux et cette pension de merde .. et je me fout entier dans le fût de flotte. La patronne arrive en furie et me menace d’un gros couteau cuisine en beuglant en espagnol ..Je parle pas l'espagnol mais j’ai vite compris que c’était pas des mots d’Amour .
La je commence à en avoir raz le bol de Guyaya Je suis en contact avec mes parents et j'arrive avec Olivier à choper des billets de zinc pour le plus proche territoire Français .. la Martinique.
Il y a un vol direct Quito Fort de France en 747.
Faut remonter en bus.. et on se refait le trajet en sens inverse dans la Cordillère.. La c’est l’horreur car le chauffeur du bus et un vrai dingue.. j’ai cru encore mes dernier jours arrivés avec les précipices et le nombre de carcasses que l’on voit le long la route .
je n’ai qu’une hâte : me casser fissa de ce pays de merde!
On arrive à Quito totalement nazes et sur les nerfs et on s’embrouille avec Olivier pour une histoire de tune à la con..Du coup on se sépare et moi je vais faire une sieste dans un parc en attendant le vol du soir même.

Je me réveille .. putain on m’a piqué mes lunettes.. et je suis assez myope.. Faut vite que je rejoigne l'aéroport. Et la misère, y a une manif d'étudiant ou je sais pas trop quoi et les flics balancent des lacrymos.. Je vois plus que dalle pendant plusieurs minutes .. mais arrive à me barrer..; mais là c’est trop de chez trop...
Je retrouve Olivier .. bon l'orage est passé et nous voilà dans le Boeing d’air France..
Je suis toujours avec mes tennis blanches,mon froc bleu et la chemise trop grande, c’est mes seuls bagages. Les bonnet incas doivent encore être dans le coin des Galapagos….
On s'effondre dans nos sièges ouf .. on décolle.Après quelques minutes une belle hôtesse nous invite à la joindre en Première . Un repas first class nous attend avec bordeaux et tout et tout.L'équipage est au courant de nos petits déboires car le couple avec la meuf aux cuisses bouffées par les mosquitos avait filé l’info , ils sont justement à bord . C’est royal non !
Détail con . Je lis “Jour de France” qui annonce la mort de Claude François.. Bien sûr je ricane car je le déteste presque autant que Patrick Juvet. .
Alexandrie Alexandra .. il est toujours à la mode lui, mais tu me mets sa zic je pense instinctivement à ce moment alors que les beaufs eux se déhanchent dans les soirées disco.!

14 jan. 2024

Merci Kovalski.
Ton histoire est fantastique !
J'ai ressenti une vraie tension de suspens en la lisant !

Une fois de plus merci, et félicitations!
Malheureusement le vocabulaire ne semble pas maritime, à un t près.
Si bitture semble accepter l'amputation, ça ne semble pas le cas de bitte.
Le tribunal jugera

14 jan. 202414 jan. 2024

Ah oui, pardon. J'ai oublié un t.
C'est impardonnable, mais je ne peux plus corriger la faute d'orthographe.
Par contre, biture de chaîne prend bien un seul t.

14 jan. 2024

.. si ma ptite histoire vous a pas trop gavé.. j'ai raconté quelques anectodes ici levaisseauimmobile.blogspot.com[...]/

14 jan. 2024

Pas de souci. Tu peux continuer à nous "gaver", c'est un plaisir ! :-)

16 jan. 202416 jan. 2024

bon ..du coup je vais en poster une que j'aime bien ....avec des images en couleur ( je précise c'est vrai de vrai)
Le Palmier En Zinc

Quand tu vas sur Rhodes depuis les Maldives tu remontes l'océan Indien et avant de passer Babel Mandel , le détroit qui sépare l’indien de la Mer Rouge, tu stoppes à Djibouti avant d’attaquer la remontée vers Suez.
Pour moi c’est mythique pour deux raisons
La première c’est que je suis nourri des aventures de Henri de Monfreid qui était mon idole. C’est dans ce détroit en pleine tempête sur un vieux boutre le Fath-el-Rahman, qu’il jure que si il s’en sort il se fait Musulman et devient Abd-el-Haï, «l’esclave du vivant».
Moi je suis passé par calme plat et ne me suis pas fait Musulman et c’est pas demain la veille..

La deuxième raison est lié à mon père. Quand j'étais môme il m’avait parlé de Djibouti en me disant qu’il faisait tellement chaud que les palmiers était en zinc, cela m’avait vraiment interloqué..
En fait c’est lié à un bar très fréquenté où se retrouvait toute la communauté française de l'époque avant l'indépendance, le fameux “Palmier en Zinc” dont Monfreid parle dans les Secrets de la mer rouge.
Evidemment quand je suis arrivé là bas le premier bistrot à atteindre était celui la . Manque de bol il avait sauté sous une bombe lors des événements en 1977.. ce qui est très récent!
La présence française en particulier Militaire est encore très forte. Le port regorge de navire de guerre dont le Jules Verne le bateau atelier des forces navales Françaises en océan Indien. Le café qui le remplace me dit on à mon arrivée est “ “l’Historil .”. je me projette donc d’y aller faire un tour à l'occasion .
J’ai plein de trucs à faire sur le bateau car depuis HongKong le canot a un peu souffert, j’ai du fric à sortir dans une banque car on est à sec de liquide et à Suez t’a intérêt à avoir du cash si tu veux passer vite en balançant des billets à tous les administratifs divers et avariés.
D’autre part Jacques(le Boss propriètaire), je ne sais comment a réussi à faire convoquer mon joyeux equipier Jean Charles au poste militaire car il doit faire ses 3 jours et partir au service militaire. A l’époque c’est obligatoire et sinon tu es déserteur. Jacques à le bras long, des connections partout dans le monde et un paquet de pognon ….et il a pas envie que le joyeux lascar s’envole pour les states rejoindre sa dulcinée qui est justement sa fille !
Du coup nous voilà au bout de 3 jours à faire le poireau au Centre Militaire Français de Djibouti, moi en qualité de Capitaine et responsable de mon marin !! ça me fait chier mais bon! le télex était sans appel et j’obéis!
Pour préciser le contexte on a déjà pas mal visiter Djibouti et surtout les bars où on croise plein de légionnaires et de jolies filles peu farouches si tu vois ce que je veux dire.
En plus j’ai retrouvé un pote que j’avais connu à Salvador de Bahia 2 ans avant et qui avait continué son tour du monde sur un ptit rafiot de 7m50 que le proprio lui avait filé car lui en avait marre. Il avait plus trop de tune et naviguait de conserve avec une très jeune amerloque qui bouclait aussi son tour du monde à la voile et en solo ( la plus jeune ayant réalisé un tour du monde à l’époque) ..On faisait la teuf chaque soir avec d’autres circumnavigateurs, d'abord sur l’Aquarius qui était encore plein de tout ce qu tu peux imaginer .. Bordeaux Millésimés, Champagne ect ...et je devais vider tout avant de repartir avec des produits neufs à Rhodes pour la saison de Charter ….L’argent ne comptait pas pour Jacques , il était grave blindé et avait trouvé le Champ trop secoué pas à son goût lors d’une escale à Phuket oui il était venu passer les vacances de Noël et comme dans la pub “Pas assez cher mon fils ! “ .
Un soir on se retrouve dans un bar un peu louche, on rigole, on picole un peu avec des légionnaires et on décide de revenir au port en galante compagnie..
Manque de bol (ou par bol) les filles veulent pas embarquer dans le Zodiac et se cassent... bon pas grave.
Le lendemain 8h nous voilà à la base militaire où on nous attendait de pied ferme !!
La j’ai commencé à flipper de ce truc .
Jean Charles rentre dans le bureau d’un gradé machin chose et je poirotte une bonne demi heure .
Un mec sort du bureau .. c’est le sosie du beauf de Cabu! mais en uniforme avec barrettes ,moi je suis réformé P5 et les militaires c’est pas mon kiff à l’époque et la vue d’un uniforme me file la nausée .
Inquiet je lui demande ce qu’il se passe… Il me répond très sèchement : “Votre marin on a la main enfin dessus et on va pas le lâcher “ , puis retourne dans le bureau en claquant la porte!.
3 minutes après il revient et me somme de la suivre..
Je rentre dans le bureau . JC est assis la tête basse entouré de 4 gradés à l’air revêche.
Je demande ce qu’il se passe. L’un me dit “vous avez fait les cons hier soir avec les filles”.
Je dis “bah rien de mal ! ???? “
Réponse “ ouais peut être sauf qu’elles ont porté plainte pour tentative de viol .. Ici c’est plus la France le climat est très tendu. Votre bateau va être saisi par les autorités Djiboutiennes . On va voir ce que l’on peut faire pour vous éviter la tôle … mais va falloir surement payer des gros pots de vin”.
Justement on a plus une tune et je me vois très mal annoncer la nouvelle à Jacques .. Putain je suis dans une merde noire comme jamais .. je vis un cauchemar je suis foutu !
Une chape de plomb est sur ma tête , le silence de la pièce est terrifiant, les regards durs. JC est effondré sur lui même, je ne le reconnais plus, lui si pétillant de malice ,et de bonne humeur et d’optimisme.
Les secondes sont des heures.. enfin j'arrive à sortir quelques mots . “.mais on peut rien faire c’est pas possible aidez nous .. quand même .
Aucune réponse encourageante des militaires que je maudis et jamais j’ai détesté dès uniformes à ce point . Je suis effondré.
Puis je sens quelque chose...je vois JC qui se dénoue et un des militaires me demande.en me tutoyant. “. Bah …… T’as tu Pastis à bord ????” JC lève la tête et me regarde !
Là je comprends …..
“OK ...alors bienvenue à Djibouti et ce soir t’a intérêt à payer l'apéro car nous la voile ça nous donne soif et on est pas des ptit joueurs!!!

J’ai les larmes aux yeux et je crie “Vive l’armée Française”
Du coup Jean Charles passe chez le médecin Militaire le lendemain matin…
Il me raconte
“ ça a pris 5 mn.. Le médecin me demande alors ça va ? tu veux faire ton service? Bah c’est pas que je veux pas mais j’ai de projets bla bla blabla.... "
Ah ok .. bah je te réforme alors c’est pas compliqué et bonne chance pour tes projets !
On a la grosse cote au Yacht club et plein de gens viennent à bord admirer le canot. En plus on se la joue select ...JC tout en blanc vêtu et VHF à la main va chercher les invités avec le gros Zodiac “ tender of Aquarius !!” On doit même participer à un pique nique nautique organisé par le président du Yacht Club … Les VIP seront à mon Bord.
Le lendemain un énorme Dinghy arrive avec 3 marins. Gros drapeau français , Marine nationale Française et salut Militaire.. On vient nous chercher avec tout je que j’ai à réparer, direction le Jules Verne où un super accueille nous attend .. je rêve....
Le sur lendemain j’ai des invités à bord et on devise tranquillement parlant de l'organisation du Pique Nic avec la femme du Président ..je fais péter une bonne roteuse.. la vie est belle.
Nous sommes le 18 mars 1987 vers 17 heures….Soudain un énorme bruit puis une fumée noire s'échappe dans le ciel de Djibouti

18 Mars 1987
L'explosion d'une bombe dans le café L'Historil, lieu de rendez-vous des militaires français de la base de Djibouti, fait onze morts dont cinq Français et trois Allemands ainsi qu'une cinquantaine de blessés, dont la moitié environ de Français. Bien que cette action terroriste ne soit pas revendiquée, l'arrestation d'un Tunisien affirmant avoir été recruté à Damas laisse penser que la France plus que le régime djiboutien en place aurait pu être visée par cet attentat.

Je n’aurai donc jamais connu le Palmier en Zinc et destin oblige, l’Historil non plus .
J’anticipe vite le départ et boucle mes derniers trucs en cours. On lève l’ancre 2 j après et au revoir Djibouti, j’aurais aimé partir dans d’autre circonstances.

Je passe vite Bab el Mandeb au moteur et sans les honneurs du vent , la larme à l'œil et le coeur serré. La mer et le ciel sont d’un gris uniforme comme en signe de deuil . Mais l'aventure continue et la Mer rouge nous attend !

16 jan. 2024

T'as vécu de ces trucs, mec !

16 jan. 2024

Le vent du boulet... et cet intense goût de la vie qui t'accompagne ensuite pendant de longues années.

Quand on est jeune et immortel, le menu s'assaisonne d'une grosse montée d'adrénaline, d'une dose d'inconscience et parfois d'une once de culpabilité qui disparaît heureusement avec l'âge.

Merci pour le partage.

17 jan. 2024

Merci Jeff ...Ce que je vois avec l'age c'est de na pas avoir pris complètement conscience de ce que je vivais et la chance de vivre des trucs extra .. jeune on veut toujours encore avancé mais sans en profiter a fond toujours a la recherche de l'ivresse ..C'est la seule chose que je regrette.Bon j'arrete la philosophie ...

17 jan. 2024

J'ai lu,avec avidité les nouvelles de toi vaisseau immobile.
Tu peux continuer à écrire!
C'est passionnant,bien écrit et jubilatoire !
A bientôt pour des suites...
Alain

17 jan. 2024

j'adore ces aventures sur terre ,ou vous n'avez gâché aucune seconde de votre jeunesse ,
c"est ça vivre, bravo .

24 jan. 2024

encore ,encore ,on ne s'en lasse pas !!!!

25 jan. 202425 jan. 2024

Bon je ne veux en aucun cas de mobiliser ces histoires .. mais je vais continuer avec la suite de mon naufrage.. et mon arrivée a Fort de France...

On atterrit à l'aéroport du Lamentin, il fait déjà nuit. A la descente d’avion on ressent une douce et agréable chaleur tropicale et malgré les relents de kérosène qui remontent du tarmac j’ai un sentiment agréable. J'aperçois un gendarme en uniforme avec képi et tout, sa vue me réconforte, je me dis vive la France, c’est bon ce sentiment de sécurité tout de même.
Il y avait d’autres routards dans le zinc et on chope la navette. Faut trouver de quoi pieuter et c’est pas les mêmes tarifs qu’en Amérique centrale ou du sud ou tu dors pour un ou deux dollars.
Finalement on trouve un grande piole à 5 ou 6.
Je me réveille un peu speed !
Uno faut que je me démerde des lunettes, de deux faut se barrer de cette piaule très chère et en plus les autres routards sont un peu chelous.
Fort de France c’est le coup de cœur en quelques minutes tout me séduit dans cette ville qui regorge de petites boutiques de couleur et d’odeurs de fruit et d'épice. Le paysage est magique avec ce ciel bleu éclatant et les gros nuages accrochés sur le pentes volcaniques de la Montagne pelée. Ah enfin le souffle des alizés du Nord Est que je ressens pour la première fois , en vrai, après toutes mes rêveries sur les récits des navigateurs de la Collection Arthaud .
Et puis le plus gros coup de coeur c’est la baie de Fort de France. Devant mes yeux émerveillés des dizaines voiliers au mouillage . J’en vois même des connus dont Kriter du normand Jack Grout qui avait fait la première Whitbread avec Glisksman (qui ralait sur le tirant d'eau limité du plans Auzepy Brenneur) et le “Grand Louis” de la famille Vaneck bien connue dans le monde de la course à la Trinité sur Mer.
Bon bouge toi , faut que je trouve un ophtalmo et un opticien .C’est vite réglé cette affaire mais avec un gros trou dans ma “trésorerie” mais je reprends tout de même les mêmes que celle John Lennon ! Je dis à l’opticien que je suis un peu sec .. et il me répond avec un humour “Vous n’avez plus que vos yeux pour pleurer ( véridique ), si il savait le con.
A Fort de France il y a avait, à cette époque, un bar mythique l'Abris côtier”, juste devant la baie et avec un immense ponton en bois ou les voiliers s'amarrent le temps de charger de l'avitaillement, de faire de l’eau ou du Gas-oil.
C’est là aussi où toute la faune des skippers et équipages, en particulier ceux du Charter, se retrouvent. L’ambiance est trop cool, j’adore.
Bien sûr il faut que je trouve un embarquement. Très vite je vois que cela va être simple.
Le barman me dit demande à “Jonjon il part bientôt car sa saison est finie.
Jonjon c’est Yves Joinville j’ai lu son bouquin chez Arthaud “Trois Océans pour nous Trois” ou il relate ses navigations aventurières dont un naufrage!.
Désormais c’est une figure du Charter sur son nouveau et splendide Ophélie un Ketch en Alu de 18 m dessiné par l'architecte à la mode Dominique Presle. Le bateau est magnifique..
Il est super cool et me dit “ je pars dans deux jours je cherche des équipiers c’est 150 balles avec le pinard compris" ( je comprendrais quelques années après l’importance de ce détail pour lui) . J'hésite mais ça me fait chier de partir si vite..
Je savoure tranquille un jus de tamarin et rencontre vite un mec cool avec les cheveux un peu longs très mince avec un T- shirt marron délavé et à moitié déchiré.
On tape la discut, le feeling passe en quelques minutes. C’est Jean Yvon,il deviendra mon éternel ami , mon frère de mer à jamais.
Il est sur son bateau qu’il a construit lui même avec un pote. C’est un GALAPAGOS , oui madame , décidément. C’est un plan Caroff en acier à bouchains vifs de 13 mètres. C’est connu ( pas forcément en bien) dans le monde des constructeurs amateurs très actif de l'époque.
Ce bateau c’était le “Bonheur des Dames” il traîne aux Antilles et rentre vers la Bretagne où il a été construit avec un budget minima. Ils ont plus une tune à bord. et si je participe à la bouffe c’est bon ..
J’ai mes lunettes et mon passeport et en un quart d’heure je suis sur le “Bonheur”
A bord y a d’autres mecs super sympas dont Lionel que je reverrais souvent car il est de Chatou, c’est à côté de chez moi, et aussi un grand mec super balaise, un prof de Ski nautique mais il s’est fait viré du Club Med, un gros gros fêtard , tête brulée et spécialiste du BareFoot, le ski nautique pieds nus..
Le programme est simple, on traîne encore sur les îles du nord et ensuite retour en Bretagne via les Bermudes et les Açores.
Le soir je m’en souviens comme hier, je m'allonge à l'avant sur le pont dans le génois .. C’est peut être le moment ou j’ai vécu un sentiment de bonheur extrême et j’allais réaliser un rêve :traverser l’Atlantique à la voile..
J’ai passé la nuit à regarder les étoiles….

Une grande amitié va se créer entre lui et moi et durera jusque ces derniers jours sur l'atoll de Tahaa ou il a vécu ses 25 dernières années. Il vient de Brest et me raconte son histoire .
Un jour on lui file un bouquin de chez Arthaud. C’est “La longue route" de Bernard Moitessier.
Il l’a lu sans s'arrêter d’un trait !! Il me mime quand il avait finit la dernière page et quand il le ferma, se leva et se dit ok je sais ce que j’ai à faire. Il se lancera dans la construction du Bonheur ..
La “ Longue route” s’est aussi un mythe pour moi. Les mâts du Joshua , c'est le nom du bateau de Moitessier, sont des poteaux télégraphiques et quand je montais la côte de Versailles pour aller au Lycée je caressais souvent les poteaux télégraphiques en me disant que moi aussi un jour, peut être... j'avais 15 ans.
A l'époque mon Père avait acheté une Opel, elle tenait d’ailleurs pas trop la route et il avait lestée avec des barres d’antimoine qu’il avait récupérées à France Soir ( c’est avec cela que les machins d'imprimerie était fondus ) et le luxe, y avait une radio Blaupunkt et mon père en était fier .. deutch Kalité...j’ai vérifié c’est en 1969.
Bon un jour on se gare faire des courses à Saint germain et les parents descendent, je reste dans la caisse .Y avait Radio Monte Carlo qui passait une Interview de Moitessier après sa "Longue Route" où il avait continué après avoir été en tête de la première course autour du monde.
On lui pose la question pour comprendre pourquoi il a continué alors qu’il pouvait remonter au nord après avoir viré le Horn et arriver largement en vainqueur …
Il avait une voix grave avec un accent un peu suisse et à répondu…
Imaginez que vous êtes un explorateur à la recherche d’un Trésor dans une immense Jungle sauvage , vous le trouvez enfin dans un temple magnifique ..mais en plus du trésor il y a une carte et un secret qui vous révèle que plus loin il existe encore un trésor bien plus gros encore plus précieux...alors vous faites quoi …?
Cela m’avait prolongé dans une longue interrogation .. moi je n’ai toujours pas la réponse .
La première escale fut l'île de la Dominique , qui reste mon île préférée de Caraïbes, puis les Saintes et la Guadeloupe.
En Gwada on a mouillé dans la grande anse de Deshaie au nord de l'île .. On avait été en stop à Point à pitre avec Jean Yvon et au retour on avait été pris par un Corbillard ,y avait pas de cadavre mais bon c'était curieux , on se fendait la gueule et le chauffeur se marrait aussi on disant des trucs incompréhensibles en créole. C'était Cool.
Mais j’ai commencé à me sentir moins en forme un peu puis très fiévreux juste qu'à avoir des délires et une fièvre pas possible cloîtré dans ma couchette d'où j'avais du mal à me lever, les autres ne s'inquiétaient pas trop.
Mes parent avait pris des vacances et étaient à la Marina Pointe du Bout à Fort de France..
Fallait réagir et que je vois un médecin en urgence , j’ai réussi à m’extraire du bateau à prendre un bus pour l'aéroport .
J'étais content de les retrouver et déjà un peu mieux mais continuais à délirer la nuit, j’ai vu un Médecin, j’avais chopé la Dingue c'est une fièvre tropicale dû à des piqûres de moustique.
J’ai vite récupéré et on a passé une petite semaine ensemble à visiter et prendre du bon temps restos etc etc ..c'était bien ces vacances en famille.
J’ai repris un avion pour île d’Antigua car je savais que le “Bonheur des Dames” et son équipage de choc étaient montés là bas pour les grandes régates de fin de saison en Mai ..
De tous le événements et régates aux quelles j’ai pu participer, la semaine d’Antigua est loin loin ma préférée même devant la semaine de Porto Cervo , la marina de Sardaigne créée par l’Aga Khan et les Voiles de St Tropez ex “Nioulargue, qui regroupent pourtant les plus beaux voiliers du monde.
Le port d’antigua c’est English Harbour le fief des rosbeef aux îles Caraïbes.
Des centaines de voiliers se réunissent pour fêter la fin de saison pour régater autour cette île très sèche contrairement à la Dominique ou la Martinique.
L'ambiance est de ouf , c’est aussi la fête dans les pubs et house clubs en bois blancs et au gazon verdoyant .. so British.
Le” Bonheur des dames “‘ c’est pas un bateau de course c’est loin le cas.
Le milieu de la voile à l'époque est très cool et il n’y a avait encore cette fracture entre les amateurs et les pros..
Je trouve vite une place d'équiper sur un joli bateau en acajou vernis. Le skipper est un jeune gars et veut en découdre et c'était sportif , on rasait les bancs de coraux à ras de la côte pour profiter des adonnantes dans l'Alizé qui soufflait fort ..
Ce bateau était au mouillage et j’y allais chaque matin à la nage en crawlant vêtu en tout et pour tout de mon fameux slip orange que j’avais lors du naufrage au Galapagos ..J’avais la pêche et la forme était vite revenue sûrement aussi grâce à la cure bouffe, rosé et Rhum avec les parents.
Le spectacle était magnifique .Un bateau me fascinait plus que tous les autres c'était “Desperados” un des premiers “ ULDB” ce qui veut dire Ultra Light Displacement Boat “ un sloop de 20 m hyper plat et léger qui surfait sur la moindre vague .C'était des pros à bord , dingue il faisait des pointes à plus 20 noeuds ,c’est rien en 2020 quand on voit les foilers IMOCA du prochain Vendée Globe , mais à l'époque on avait jamais vu ce genre truc.
Je ne connaissais pas l’architecte révolutionnaire de ce missile signé Jean Marie Tanton
Plusieurs après années après en 86 j'étais à Taiwan pour l’Aquarius avec Gégé et un soir on buvait des bières dans un Pub à Taipei. Un Mec en costard noir chemise blanche et cravate s’approche de nous. Il nous salue et vient nous parler ( je me disais il nous veut quoi ce mec ?). Il venait nous saluer et vu notre Look c'était clair ..pour lui on était là pour convoyer un bateau ..
Il nous dit être architecte , je lui demande son nom .. Bingo c'était JM Tanton himself , on a vidé des bières jusqu'à pas d’heure en parlant Voile et architecture . Ce gars connaissait Taiwan comme sa poche et tous les chantiers de l'Île, un visionnaire des fibres qui venaient d'être inventées .. Carbone Kevlar .. ect ..

Le retour approche ? une dernière escale à St Barth encore un peu sauvage à l'époque mais depuis c’est devenu le paradis des Milliardaires ?la femme de Johnny y est en confinement .. y a pire, l'île est magnifique
J’y suis retourné plusieurs fois dont une surtout pour faire la saison de charter pour YCMF le yacht Club Médical de France , je skippais “Tonus” puis “ Virus” un first 456, un nom prédestiné à l’heure actuelle. On avait reçu Soubiran le fils du fameux Docteur des hommes en blanc.

On est monté au Nord pour faire escale aux Îles Bermudes et on a traversé le fameux Triangle. J’avais flippé une nuit seul à la barre, y avait pas un pète de vent mais la mer était glauque et je me rappelais un film d'horreur “ le triangle du Diable” et j’ai cru que le Diable allait surgir. Ensuite le temps s'était gâté, plus de visi ni soleil et des trombes d’eau sur la gueule. Faut savoir que l’approche des Bermudes est très dangereuse et que le GPS était pas encore inventé.
Jean Yvon faisait la Nav au sextant et on le sentait tendu, plongé dans les calculs avec les tables Ho 249, la règle Cras et le compas à pointe sèche.Soudain entre deux gros grains le soleil apparut et l’on a vu les Bermudes à quelques milles .. Pile poil ouf … j’ai été admiratif…
J’ai la prétention d’avoir été ensuite un bon navigateur.. c’est d'ailleurs à cela que je dois mes premiers gros embarquements mais Jean Yvon est resté éternellement mon maître en la matière ,ma référence.
Quand je vois désormais les systèmes GPS hyper sophistiqués, les cartes électroniques et tout le bordel… ça me fait bien rigolé ,.quand je pense au nombre de droites de hauteur et de méridiennes que j’ai faits, calé tant bien que mal au mât avec le Freiberger à la main et montre Casio au poignet pour le top à la seconde près , ok je suis un vieux con .. mais enfin quand même..
Ensuite c’est le gros morceau car on doit atteindre les Açores soit bien 18 jours de mer . C’est le pied quand tu rentres à la voile en tirant des bord dans le port mythique d’Horta .. oui à la voile car le bourrin était mort depuis belle lurette.
C’est plein de Voilier de toute sorte qui rentrent .. et chez Peter le bar du coin on se se retrouve tous chaque soir à boire du Vino Verde et manger des calamars à la portugaise. La tradition est de peindre une fresque sur la digue.

A droite c'est moi

En 1978 la pêche à la Baleine était encore libre .. et c'était à l'ancienne donc à la rame et au harpon .. “.Baleia baleia !!” , crie la vigie quand elle voit au large le souffle puissant de ces magnifiques cétacés ..Tous les mecs du coin laissent leur travaux au champs et rappliquent fissa et c’est parti dans des grosses barques en bois .et à la rame.
C’est pas de la rigolade . je te dis un vrai Moby Dik en real life.
Ensuite on les traîne en face à Pico une île Volcanique dont le sommet culmine à 1800 m.. un point de repère quand tu arrives et tu le vois de loin ,c’est étudié par le dieu des Marins “... ..Il y a une usine pour l’huile et plein d'artisanat sur les dents d’ivoire..Comme dit l’autre “si t’as pas été aux Açores avant 50 ans .. t’as raté ta life de navigateur”….j’y suis retourné deux fois .
Le dernier coup on a atterri à Florès, une petite île , dans des conditions limites
On avait mis plus de 25 jours à cause des calmes plats abominables dans la mer des sargasses, on avait plus de Gazole et manque de bol le réservoir de flotte avait une fuite .. du coup ½ d’eau par jour par personne, bouffe comprise, sur la dernière semaine. Le seul truc que l’on avait en rab c'était du Rhum car on en avait ramené plein de caisse pour PAPY le proprio qui était le créateur des chemises Souleiado et j’ai eu un belle chemise camarguaise en prime, royal….Je ai mis 2 ou 3 fois mais ça faisait un peu le Look “Fan de Johnny” et c’est pas mon truc ..
On a filé direct au restau du port à 11h du mat pour en ressortir vers 18h . Je te dis pas le nombre de bouteille de Vino Verde” alignées vides sur la table en fin de repas. et on avait bouffer 3 tonnes de cigales de mer,l a spécialité du coin. C'était de la Marque “El Gato” dont les bouteilles ont un forme plate comme celle de Rhum dans le “Trésor de Rackham le rouge”. On en trouve chez Franprix et des fois je m’en vide une et ça fait un ptit Kiff de souvenir , c’est clair qu'à la fin du confinement j’irais m’en siffler une en bonne compagnie …
Ensuite le “Bonheur” a le mis le Cap sur l’Ile Tudy”.On s’est pris un putain coup de vent à 5 jours de l’arrivé et du sévère avec des vagues monstrueuses . C'était limite car en plus le bateau était pas super safe. Les quarts de nuit fallait bien te ligoter pendant que les autres essayaient de dormir à l'intérieur, porte du cockpit barricadée comme à la guerre
Bien sûr on était trempés jusqu’aux os car question ciré on avait tous des vieilles merdes jaunes raccommodés à la colle sécotine. A l’intérieur du bateau c’était le souk, des trucs valdinguaient et l’eau pissait de partout, la table à carte était inondée et Jean Yvon était obligé de se caler dans une couchette avant vaguement sèche pour faire ses calculs de point si une pale trace de soleil faisait une apparition entre les nuages. Seul truc de positif c'était que les cafards que l’on traînait depuis les tropiques était tous crevés et c’est pas standing quand au ptit dej y en a un mort qui sort de la boite de lait concentré Nestlé..
Bref on a pris cher pendant plus de 3 jours .

En fin c’est passé et à mon réveil je sens les mouvement du bateau lents et doux, le vent est tombé et il ne restait qu’une grosse houle à la surface lisse.J’avais rien bouffé de chaud depuis un bail….
Il restait encore un peu de bouffe et plus que 2 jours de mer, je me suis lâché avec deux beaux œufs au plat avec une tranche de lard. Je les regardais cuire sur le réchaud à cardan avant de les déposer avec amour sur une assiette calée sur la table du carré..miam miam avec un soupçon de Ketchup. Je me préparais pour le festin de l’année, récompense suprême des 3 jours et 3 nuits de tempête. Une vague résiduelle un peu sèche secoua dur le bateau et l’assiette valsa direct pour s’écraser sur le plancher dégueulasse du carré.J’en aurais chialé, c’est le chien « Le chien » (on le voit sur la photo) qui lapa le jaune et se tapa la tranche de lard, ceci dit cela ne lui porta pas bonheur car il s’est fait écrasé dans une de rue quelques jours après notre retour, il avait jamais vu beaucoup de bagnole dans sa vie .
A chaque fois que je me fais des œufs au plat c’est toujours une vraie cérémonie et quelque part j’ai l’impression de luxe et de confort et en ressent une profonde satisfaction.
Un dernier bord de près, une dernière manœuvre .. l’ancre est jetée ..
On se mouille encore les pieds dans le Zodiac que l’on réussit tant bien que mal à gonfler.
C’est la terre ferme mais on ressent encore tous un peu le roulis ..
Direction le premier bar pour s’en jeter un , on est tous contents d'être arrivé.
Jean Yvon avait un pote qui était interne de garde dans un hosto du coin ..C'était un bon gros barbu rigolard , on a passé la nuit là bas avec ambiance salle de garde. C’est clair c'était pas le genre à sucer de la glace et bouffer du riz complet et j’ai dormi avec 30 degrés de gîte …!!!
Avec des photos argentiques( of couurse) que j'avais gardées

26 jan. 2024
04 août 2024

génial toute une époque d'insouciance !

25 jan. 2024

Super histoire, merci !

26 jan. 2024

excellent

26 jan. 2024

merci pour cette "belle" histoire qui raconte mes rêves de jeunesse !!! Super !
Denis et Democrite

26 jan. 2024

Merci pour vos messages..
Du coup j'ai remarqué une erreur de ma part : en vérifiant ce n'est pas Jean Marie .. mais Yves Marie Tanton...
Pour les fanq d'architecture..On retrouve ses famuleux design ...
tantonyachtdesign.blogspot.com[...]up.html .
En particulier le célèbre Magie Noire sans haubans...
Peu connu en France.. il avait qaund même une longueur d'avance

02 août 2024

Ca m'est arrivé dans un port en Zélande, et j'en ris encore tout seul...

Par inadvertance, j'avais laissé un paquet de beurre hors de la glacière, et j'étais parti faire des courses.
Ce n'était pas une barquette, c'était une motte de beurre dans du papier alu.

Or le soleil, ce coquin, habitué à tourner comme vous le savez, a fini par darder un chaleureux rayon sur ladite motte, que je retrouvai en rentrant dans l'état que vous imaginez.

Rien encore n'avait coulé, mais il s'en fallait de si peu que, par précaution, je glissai délicatement une serpillère en-dessous, puis je vidai le beurre fondu - irrécupérable - qui se répandit comme prévu dans la serpillère et l'imprégna.
Je roulai la serpillère en boule, me disant que je la nettoierais plus tard, et la mis dans le cockpit en attendant. Il faut savoir que, en croisière, j'ai toujours quelques vieux chiffons dans le cockpit, ça peut toujours être utile.

Seulement, j'oubliai la chose...

Deux jours plus tard, dans le cockpit, en transvasant de l'essence d'un bidon dans la nourrice, je débordai un peu/beaucoup, et, pour essuyer l'essence qui avait coulé, je saisis en urgence le premier chiffon qui me tomba sous la main... Vous devinez lequel c'était !

J'essuiai consciencieusement le cockpit, me redressai et... ouf, je pus éviter de justesse de me prendre la gamelle du siècle !

J'avais tartiné le cockpit avec du beurre fondu !

Il m'a d'abord fallu comprendre pourquoi le cockpit était devenu une patinoire, et, cela compris, il me resta à aller chercher du détergent, en descendant l'escalier de descente avec mes semelles "beurrées" - je ne conseillerais ça qu'à mon pire ennemi !

Une croisière réussie est une série de catastrophes évitées, dit-on. Ce fut bien le cas ici, car se casser la g.. dans le cockpit d'un Ecume de mer peut être très dangereux à cause de la barre d'écoute qui le traverse. Mébon, Posséidon était avec moi ce jour-là !

Bonnes navs à tous !

Michel de Nieuport

04 août 2024

Fin février, on était mouillé au Cap San Lucas, à l’extrémité sud de la péninsule de Basse Californie, à l’entrée de la mer de Cortez.

Le Cap San Lucas est une ville centre de vacances pour toute l’Amérique du Nord. La plage est bordée de grands hôtels, les jet skis tournent en permanence à fond dans la baie et tous les soirs, les hordes de « promène couillons » font leur sortie tonitruante de musique mexicaine, pour abreuver les touristes de tequila bon marché devant le coucher du soleil.
Les paquebots se relaient chaque jour, au mouillage et emmènent les croisiéristes retraités à proximité des baleines à bosse qui s’ébattent au large.

Bref, on n’est pas enchantés d’être là.

Mais on est au début de la « Baja Bash », terme désignant la dure remontée de la péninsule avec son vent du nord presque permanent, que les américains descendus pour l’hiver au Mexique redoutent.

On a vu cependant que tous les 10/12 jours, ce vent faiblissait et parfois tournait au sud par l’arrivée de petites dépressions. Nous attendons donc ces 48h pour faire un saut de 200 à 300 milles vers le nord. L’objectif étant d’être à San Francisco à la fin du mois d’Avril.

On passe notre temps tranquillement, un peu de vernis, la vidange et l’entretien du moteur, nettoyage de la coque etc.

Ce soir là, on voit arriver et qui se met à couple, une barque « taxi » avec une femme seule à bord. Relativement âgée, elle nous aborde avec jovialité, dans un bon français à l’accent américain prononcé.
« Je vois votre pavillon français tous les matins, quand je me lève, depuis ma chambre d’hôtel. J’adoooore la France, je suis dans le 5 étoiles juste là, je vous invite à dîner demain, voulez vous venir ? »

C’est ainsi que nous avons rencontré Bobby, designer retraitée (c’est elle qui avait créé le logo ELF). Elle avait travaillé quelque temps à Paris et à La Rochelle.

Nous avons donc débarqué avec notre petite annexe à rame sur la belle plage privée de l’hôtel, accueilli par les employés dont un est resté toute la soirée à surveiller notre canot.

Elle nous a dès lors, ouvert toutes les portes, ameuté toutes ses relations, réquisitionné tous ses amis de la cote ouest des USA .

A Ensénada, nous étions attendus par son amie Johanna, qui nous a promené en voiture, accompagné aux différentes administrations, invité a la soirée anniversaire d’une de ses amies…
A Moro bay, c’est le yacht Club qui était prévenu de notre arrivée et qui a organisé une soirée d’accueil avec champagne californien.
Nous avons pu laisser le bateau sous la surveillance de gentils membres pendant qu’on nous prêtait un voiture pour visiter toute la Californie du sud.
A Monterey, nous avons eu accès au très fermé Pacific Grove de carmel By the sea, zone très select avec ses hôtels de luxe, golfs et yacht clubs.
Plus au nord, à half Moon Bay, Bobby est revenue nous voir, nous faire rencontrer d’autres amis qui vivent dans une magnifique demeure face à l’océan Pacifique ou nous avons bien sur été accueillis comme des princes.
C’est à San Francisco ou nous avons pu visiter et séjourner grâce à elle dans un magnifique « house boat » de Sausalito, une des zone les plus branchées de la baie, qu’elle nous a fait rencontrer William, le traducteur et ami de Bernard Moitessier, avec qui nous avons passé des soirées à parler de traductions, de Mooréa et de navigation.

Tout au long de la côte, et jusqu’au nord de l’état de Washington, dans chaque port, elle avait prévenu de ses relations. Partout, nous avons eu un accueil bienveillant, des voitures à disposition, des guides attentifs …

Dans le voyage à la voile, il y a bien sûr la navigation, les belles traversées, les baies désertes et protégées, mais pour nous, les rencontres sont essentielles.
Celle de Bobby en est une ce choix.

04 août 2024

on voit difficilement l'inverse pour un américain en France ! Les américains sont toujours accueillants , quand ils sont riches c'est encore mieux
Bravo !

04 août 2024

🤩🤩🤩 : ce sera mon seul commentaire. Mon fil préféré sur le forum...

04 août 202404 août 2024

Ton pseudo fait penser au pseudo que pourrait avoir William, le traducteur de B Moitessier : www.amazon.fr[...]4486848

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